dimanche 3 août 2008

Bienheureuse imperfection

La vertu ! On ne prononce pas ce mot sans risque. À moins que ce ne soit pour s'en moquer. Il fait tellement vieux jeux ! Mais parlons-en sérieusement. De quoi s'agit-il, au juste ? D'une force. Une force intérieure qui nous dispose à agir dans le sens du bien. Une sorte de qualité durable, une "habitude". Une disposition à accomplir des actes bons, considérés comme difficiles. La vertu facilite la vie, en fortifiant la volonté à bien agir. L'intelligence capable de discerner le bien ne suffit pas, s'il manque la volonté pour l'accomplir.

Être vertueux sur tous les points, voilà l'homme parfait. Il ne court pas les rues ! Nous nous trouvons toujours à lutter contre nos tendances, nos déficiences, découragements, etc. Et souvent en vain. Ou bien, je ne lutte plus du tout. Je me laisse conduire par mes instincts et ... la vie est belle ! Mais pas si belle que ça ! Car les vertus nous délivrent de bien des excès et donc de bien des souffrances. C'est ce que voulait dire, au IV siècle avant J.C, Aristote, disciple du grand Platon, lorsqu'il affirmait que la vertu a un rôle modérateur. "Elle tient le juste milieu" disait-il. Par exemple, elle va tempérer celui qui a une nature colérique, ou tirer de sa paresse celui qui ne sait pas se lever à l'heure le matin.

Mais se savoir vertueux, c'est fort agréable à notre ego. Et voilà que la vertu risque de tourner au vice ! La nature humaine est compliquée. Comment en tirer avantage ? En s'amusant de ses faiblesses: Savoir "se rire au nez !" Comme si j'étais un autre. Car c'est assez facile de se moquer des autres. Il faut être "vertueux" pour s'en abstenir... Donc jouer à l'équilibriste: s'efforcer d'être un peu vertueux et, en même temps, garder conscience de ne pas l'être. Et surtout, en être heureux ! Avoir le sentiment très fort que Dieu nous aime comme ça ! C'est ainsi que les parents (les bons !) aiment leurs enfants. D'ailleurs, l'évangile nous montre bien que Dieu "déteste" les artisans de leur perfection. Se rappeler en luc 18, 9-14 "Le Pharisien et le Publicain". Comme les charismes, il y a des vertus qui sont données d'en-haut. Les bénéficiaires, connaissant leur origine, ont moins tendance à s'en glorifier.

Alors, "bienheureuse imperfection", bienheureux ceux qui ne possèdent pas ces vertus que nous venons de vanter. Il faut savoir corriger une vérité, par la vérité opposée. C'est ce que certains sages m'ont enseigné. Il faut être intelligent pour dire et croire une chose si contraire à la raison; et pourtant vraie ! Pour marcher "Vers la vérité" il faut savoir concilier les paradoxes, pour aboutir au Mystère. La foi n'est pas adhérer à l'absurde, mais au Mystère. L'un révolte la raison, l'autre pas. Il la dépasse (1) . Que de saintes contradictions ! C'est à méditer...

Pour illustrer les avantages de la faiblesse, et du peu de force (de vertu !), une petite histoire bien connue par ceux qui ont lu Thérèse de Lisieux. En substance, elle disait ingénument: "Je suis comme un petit enfant qui veut monter un escalier sans y réussir. Mais à force de s'essayer, sa mère, ou son père (?) qui le regarde d'en-haut, finit par descendre pour le monter dans ses bras". Elle appelait cela "l'ascenseur divin".

(1) Pensée exprimée par le philosophe et théologien: Frédéric Marlière.