mercredi 18 juin 2008

Identités meurtrières

"Nous devons cesser de nous forger des identités meurtrières", disait André Chouraqui, homme de paix et d'unité, qui n'a cessé d'y travailler tant par ses actions que par ses écrits.

http://www.andrechouraqui.com/index1.htm

Dans notre monde pluraliste, les valeurs universelles deviennent prédominantes. Les communautés fermées sur elles-mêmes ne pourront pas subsister longtemps. C'est heureux. Malgré des résistances, un mouvement d'ouverture aux autres cherche à transformer nos liens. Il y a là une condition nécessaire à notre survivance pacifique sur la planète. Nous ne pouvons plus organiser une communauté, locale ou nationale, comme si nous étions seuls. Nous devons nécessairement tenir compte de la différence de l'autre et de notre rapport au monde.

Que signifie: se forger une "identité meurtrière" ? C'est se définir en opposition à un autre, vu comme une menace, qu'on n'accepte pas et qu'on rejette. Intégrer l'autre, c'est l'accueillir avec ses racines et ses différences. Et cela va dans les deux sens. Sinon, la vie commune devient difficile et fragile. Comment alors converger vers une communauté pacifique ? Il en est de même pour notre identité individuelle en relation avec notre entourage. Vérité banale, mais pas facile à mettre en pratique.

Pourtant, la vie qui nous anime n'a-t-elle pas en chacun de nous la même origine ? C'est cela qui constitue, malgré la divergence de nos traditions et de nos cultures, la fraternité élargie. Sans la conscience de notre source commune, comment pouvons-nous avoir une communauté fraternelle où il fait bon vivre ? "Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d'être unis !" (1).

Chacun peut s'efforcer de retrouver dans sa propre foi, ou sa conscience profonde, un fondement à cette fraternité universelle. Il est assez curieux de voir que les motivations religieuses deviennent souvent des occasions d'oppositions et de guerres. Ce qui est fait pour unir produit un effet contraire. Quel paradoxe ! Quel trouble-fête est venu inverser nos valeurs ?

Le laïcisme, alors qu'il devait contribuer à créer un climat favorable à la pluralité, est souvent devenu, mal compris, une neutralité qu'il faut aussi apprendre à intégrer, comme s'il s'agissait d'un adversaire. Pourquoi le laïcisme, en occident, rend il tabou l'idée de Dieu ? Comment unifier un peuple en éliminant, par principe, un élément essentiel de la nature humaine: sa composante spirituelle ? Ainsi, dans les états laïcs occidentaux, on n'en parle pas publiquement. On évite ce mot dangereux. Pourquoi avoir si peur de la réalité spirituelle et la reléguer au rang des affaires uniquement privée ?

S'ouvrir à l'autre au-delà de nos frontières et dans un service mutuel, doit aussi se faire en tenant compte de cet élément qu'est la transcendance. Nous devons être conscients de notre lien commun qui fait que nous sommes tous des êtres humains. C'est ce qui transforme la communauté et la rend agréable. Atteindrons-nous ce but en ce monde ? Cela ne devrait pas être impossible. C'est déjà une cause de bonheur que de savoir que l'on tend vers un tel but, et d'y contribuer à notre façon.

(1) Psaume 132 (133)