mardi 9 janvier 2007

Un monde d'objets

Tenez-vous bien, vous qui, comme moi, n'êtes peut-être pas des initiés à la physique moderne ! Oui, l'objet qui est là, devant moi, l'arbre par exemple, j'avais toujours pensé qu'il existait avant que mes sens le perçoivent; autrement dit, je pensais qu'il était antérieur à mes sens. Eh bien, non ! Ce n'est pas ça du tout, paraît-il ! La science moderne nous dit le contraire.

Si vous êtes familiers avec la physique quantique, je ne vous apprends rien. Je reviens à mon arbre. Je ne le connais pas parce qu'il est là, présent devant moi. Mais il est plutôt là, visible, palpable, parce que je le rends présent. Si je ne le connaissais pas, il n'existerait pas comme objet. Ce qui ne veut pas dire que l'arbre est une création de mon esprit. Mais mon esprit l'objective; il ne le crée pas. Il en fait quelque chose de sensible, un objet. Je ne prétends pas comprendre le "comment" mais, ce que je crois saisir, c'est que l'objet sensible, visible, a une réalité immatérielle dans un autre monde, qui est le monde ontologique, celui de l'Être, (des "essences" disent les philosophes). Platon dirait peut-être: "des idées !"

Ce qui voudrait dire que, en dépit de ce que nous pensons communément, que notre cosmos, celui qui se présente devant nos yeux, (et aussi sans doute devant nos téléscopes sophistiqués), n'est pas la vraie chose. Il est même sans fondement, comme évanescent par nature. Il est apparu avec l'homme, ne le précède pas. Faut-il affirmer, avec nos amis orientaux, que notre monde visible n'est qu'illusion ? Pourtant, ce fameux arbre, quand je rentre dedans, à 100 km. à l'heure, avec ma voiture, il n'est pourtant pas illusoire; il laisse des marques ! Ce que ne ferait pas un mirage ! Essayons d'aller plus loin.

Notre univers connu par nos sens (ou par les instruments qui les prolongent), est un univers de temps, d'espace et de matière. Par en dessous, il y a une réalité plus profonde, non physique, que la science n'arrive pas à appréhender. Ce "Quelque chose" de voilé (qui mérite une majuscule) ressemblerait à la "Création originelle", insaisissable.

Notre monde d'objets donc, représenterait le voile qui occulte cette réalité. Je parle au conditionnel, comme si je n'étais pas très sûr ! C'est que je ne peux pas l'affirmer comme le ferait le savant qui a fait la démarche le conduisant à sa certitude. Moi, qui prends des raccourcis, je saisis ses conclusions et, tant bien que mal, j'essaie de les comprendre et de les appliquer à la spiritualité, remonter à la réalité intemporelle cachée. Nous percevons par nos sens les objets. Il nous apparaissent comme la seule réalité. Certains philosophes (non physiciens sans doute !) ne veulent rien savoir d'autre. Mais, ces objets, ce sont eux qui nous voilent la Réalité invisible, la vraie chose ! Ils sont le voile que nous percevons, l'enveloppe de l'essentiel caché derrière, et qui nous échappe.

Bizarre, cette révélation scientifique, pour notre façon habituelle de voir, de juger, et tenue pour indiscutable ! Et pourtant la science (il faut bien lui faire un peu confiance !) la confirme. Les savants (les vrais !), disent même, qu'au delà d'un certain stade, le temps et l'espace sont anéantis (1). Je trouve cela très intéressant, et j'y adhére facilement parce que ça rejoint la foi. Du moins si on accepte qu'il reste quelque chose après cet anéantissement. Mais que reste-il, au juste ? S'il ne reste rien, c'est la négation de tout absolu, le nihilisme ! La science et la foi n'ont pas toujuours été de bonnes amies. Une théologie ouverte à la science ne peut qu'aider à la réconciliation. Ce qui est peut-être en train de se faire !

Selon Frédéric Marlière (2), on peut dire que ce monde dans lequel nous vivons, n'est pas celui de Dieu (3). Il est devenu tel, à cause du mauvais choix de l'homme en Eden (péché originel). La création originelle, celle que Dieu veut, est un monde d'unité parfaite, dans lequel il n'y a pas d'objets matériels, ni de temps, ni d'espace. Il n'y a donc pas de perception sensorielle, ni de connaissance discursive (qui est la nôtre, par le raisonnement). Toute connaissance est directe, intuitive, sans passer par les sens (qui n'existent pas !). Cela peut sembler réducteur, mais au contraire: quel progrès ! Il s'agit d'un monde de pures relations entre les êtres, les personnes, sans objets concrets comptabilisables. Il y a bien une pluralité, bien sûr, mais dans une unité (que F. Marlière appelle "générique") et qui ne fait pas nombre.

Dans ce monde originel (tel que Dieu le veut), après notre mort biologique, nous y serons. Ici-bas, nous en sommes exilés. Notre vraie patrie est ailleurs. Peut-on dire vraiment que nous y "retournons" ? D'une certaine façon, oui ! Nous venons d'un "Eden" qui, même s'il est représenté symboliquement, dans la Genèse, comme un paradis très concret, sensuel, avec des fruits à cueillir, était en réalité ce monde intemporel (pense F. Marlière), purement ontologique, où tout se passait dans un "instant éternel".

Dans ce monde d'objets, tout n'y est pas négatif, loin de là. Il garde sa beauté à partir de laquelle on peut s'élever à la beauté divine incréée. Mais, si la beauté du monde divin est éternelle, celle de notre monde d'objets passe. Car, dans ce monde "objectivé", à cause de l'introduction du temps, vient aussi la vieillesse, la souffrance et la finitude. Et voilà la mort ! Nous sommes des êtres mortels. Mais "Dieu n'a pas fait la mort" dit l'Écriture. Le Christ nous est montré comme Celui qui est venu vaincre la mort. Par sa propre mort, il nous réintroduit dans son Royaume d'éternité où nous redevenons "à son image et à sa ressemblance".

Frédéric Marlière nous explique pourquoi nous avons la "conviction naturelle et invincible que nous arrivons dans un cosmos qui nous a précédé, et que nous y percevons des objets qui s'offrent du dehors à nos sens éveillés". Et qui plus est, dira-t-il, "nous gardons aussi la conviction que ce monde d'objets nous livre réellement la création originelle". Nous pensons, en effet, que nous sommes dans le monde de Dieu. "Voilà bien l'erreur fondamentale, poursuit-il, qu'il nous faudra bien corriger si nous voulons savoir vraiment d'où nous sommes et où nous allons" (4) . Il me semble qu'il est dans la bonne voie !

(1) Christian Magnan, "Et Newton croqua la pomme" p. 205 et 206. (Cité par F. Marlière)
(2) Cf. Texte de ce blogue du 13 août 06: Ce monde de l'histoire.
(3) Cf. Texte de ce blogue du 8 octobre 06: Dieu le veut !
(4) Frédéric Marlière; dans "Qui t'a appris que tu étais nu ?" (Anne Sigier) p. 46

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Je constate que vous êtes également un «fan» de l'abbé Frédéric Marlière. Si ça vous intéresse de consulter mon site, je vous laisse son adresse URL :

www.spiritualitedunouveauregard.net

9:51 AM  
Anonymous Anonyme said...

Notre esprit objective la création originelle de Dieu, la fait paraître, l'engendre matériellement.

Et je crois que notre esprit peut également concevoir le Royaume, le faire paraître, l'engendrer spirituellement.

8:09 PM  

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