mardi 15 mai 2007

Enfer

IL y a des sujets dont je n'aime vraiment pas parler. Celui de l'enfer en est un. Comme je l'avais annoncé (1), à la suite d'une demande, je vais donc essayer d'en dire quelques mots.

On me dit: " Enfant, on m'apprenait l'existence du paradis, de l'enfer, du purgatoire. Comment vois-tu cette vie en enfer qui, elle non plus ne peut être éternelle ? "

Voilà la question. Celui qui la pose n'est plus un enfant, il a maintenant 93 ans ! La peur de l'enfer ne l'a pas empêché de vieillir, et de bien vieillir car, à son âge, il a gagné je ne sais combien de tournois de bridges ! "Comment vois-tu ...?", dit-il. A vrai dire, je ne vois pas très bien. Voilà pourquoi il m'est difficile d'en parler. Je ne veux surtout pas dire ce qu'on a pu rabâcher pendant des siècles et qui, selon moi, ne correspond pas très bien à la réalité de Dieu. Mais, il faut bien essayer au moins de comprendre les choses: ce qu'on en a dit, pourquoi on l'a dit, et pourquoi on n'aime pas, ou je n'aime pas en parler ?

D'après beaucoup de théologiens, il semblerait difficile de nier la possibilité d'un enfer. Il est sans doute possible, mais certainement pas comme un lieu, mais plutôt comme un état: l'état de celui qui est privé de Dieu. C'est cela la peine du dam. Le "damné" est celui qui est privé de Dieu. Est-ce possible, si Dieu est Amour ? Pour bien répondre, il faudrait savoir s'il est vrai qu'il y a des damnés ? Nous n'en savons rien. Du moins pas moi !

J'ai déjà entendu dire, sans doute avec un peu d'humour (si toutefois on peu avoir de l'humour sur un tel sujet ! ) qu'il y avait certainement un enfer, mais qu'il n'était pas du tout certain qu'il y ait quelqu'un dedans ! J'avoue que l'idée ne me déplaît pas. Je souhaite que ce soit "vers la vérité ..." Car je n'ai nulle envie d'aller en enfer, ni ne le souhaite pour personne. Même pas pour les pires criminels. D'ailleurs comment pourrais-je être éternellement heureux, en pensant qu'il y a quelqu'un qui "grille dans les flammes de l'enfer !" (J'emploie l'expression consacrée !) Aussitôt ma soi-disant béatitude, tomberait à l'eau ... Il est vrai qu'on a déjà affirmé que le nombre des élus serait inférieur à celui des damnés... Savant calcul que, paraît-il, Saint Augustin aurait fait, à une époque où il n'y avait pas encore d'ordinateur. Je n'ai pas vérifié, mais sur quoi se serait-il basé ?

Il y a des gens qui ne croient en rien. Et justement parce qu'il s'agit de croyances ! Ils n'admettent que des choses certaines, c'est-à-dire prouvées, démontrables. Au moins, cela a un avantage : ces gens sont débarrassés de la peur de l'enfer ! Moi non plus, bien que croyant, je n'ai pas vraiment peur de l'enfer, bien que je ne me place pas dans la catégorie des parfaits, ni des purs ... Loin de là. Et même, plus je me sens indigne du "Ciel", plus je me sens candidat pour y entrer ! Pourquoi ? Parce que j'ai la certitude que si Dieu nous a créés, ce n'est pas pour nous destiner à l'enfer. Bien au contraire, son plus grand bonheur, (et là, j'en ai la certitude sans trop savoir comment le prouver), son plus grand bonheur donc est de partager le sien avec nous, de nous donner sa vie en abondance. Ce qui suppose, pour la recevoir, une transformation totale du coeur. Comment lui refuser ce bonheur de nous partager le sien ? J'ai peut-être l'air de plaisanter, mais c'est vraiment ce que je pense.

D'autre part, je crois aussi que tous, croyants ou incroyants, à un moment ou l'autre de notre vie, ou peut-être après notre mort physique aussi, nous sommes mis en présence d'un choix à faire. Le choix définitif. Encore le spectre de l'enfer ? Est-il possible, qu'à ce moment là, quelqu'un soit assez peu éclairé (justement, je vois ce moment comme celui de la pleine lumière !) pour choisir l'absence de Dieu et donc .... l'enfer ? Théoriquement, oui ! Et il est bon et inévitable qu'il en soit ainsi, à cause du mystère de la liberté. Mais j'espère bien que ma stupidité n'ira pas jusque là ! Comme je l'ai dit, cela ne veut pas dire que je sois assez pur et assez bon pour mériter un tel bonheur qui m'est proposé. Pas du tout ! Ce don est vraiment un cadeau gratuit, qui de plus, a l'avantage de réjouir le Donateur ! Que demander de plus ? Un cadeau non mérité qu'on me supplie de recevoir, mais humblement, comme un indigne et aimant serviteur !

Quelqu'un a écrit: "Être chrétien, ce n'est pas d'abord croire en l'enfer, c'est croire au Christ et espérer, si la question se pose, qu'il sera impossible que l'enfer existe pour les hommes...!" Savez-vous qui a écrit cela ? Il est bien connu. Ce serait le théologien J. Ratzinger (2), notre pape actuel, Benoît XVI.

Mais essayons d'être un peu plus sérieux et de voir les choses plus profondément. C'est vrai que Dieu est Amour, et que l'enfer devrait être impossible. Mais, à travers les images terrifiantes de l'enfer, il ne faut peut-être pas tout rejeter en disant que c'est de l'infantilisme. On ne doit pas cependant utiliser une pédagogie de peur, pour forcer à aimer Dieu. Ce n'est pas non plus, une prédication moralisante qui change le coeur endurci en coeur aimant. Quel est donc le "bébé" qu'il ne faut pas jeter avec le bain ? Il y a quand même dans la bible des affirmations qui nous invitent à réfléchir. On ne peut pas trier dans les Écritures saintes ce qui nous plaît, et rejeter ce qui nous dérange. Je ne peux pas développer ici ce que tant de bons livres font. J'invite cependant à s'y référer. Je vais seulement rapporter une citation d'un thélogien que je crois sérieux.

Voici: " Mais pourquoi, quand nous évoquons l'éventualité terrible (d'un enfer) ne pensons-nous qu'à nous, et si peu à lui (Dieu). Il faudrait ne pas espérer seulement pour les hommes, mais espérer d'abord pour lui ... C'est dans une telle lumière qu'il nous faut lire les textes de l'évangile. Quand l'évangile semble dire que Dieu prend à son compte la damnation des hommes, que c'est lui qui prononce la sentence de condamnation (Mt. 13, 41; 25, 41) cela signifie que Dieu lui-même ne peut rien, sinon souffrir devant une liberté qui se ferme à l'amour. Le châtiment ne vient pas de Dieu, il vient du dedans, comme celui qui ferme ses volets et qui, du même coup, est privé de la lumière du soleil. Cela signifie aussi que l'acte créateur, qui est éternel, ne peut pas ne pas inclure cette éventualité: c'est le grand risque de l'acte créateur". (3)

J'aime bien: "pourquoi ne penser qu'à nous, et pas à lui ?" En effet, pourquoi ne pas penser réjouir Dieu en acceptant d'être sauvé par lui et de jouir éternellement de son bonheur en recevant gratuitement son amour qui nous rend "participants de la nature divine" comme dit Saint Pierre dans sa première épitre. Ce ne devrait pas être tellement difficile à faire !

Que de choses il y aurait encore à dire ! Je m'aperçois que, malgré ma répugnance initiale à parler de l'enfer, je finis par y prendre goût ! Peut-être que la paresse maintenant me pousse à m'arrêter ici. Mais je n'exclus pas d'y revenir !

(1) Cf. sur ce blogue au 3 avril 07: "Des 'insignifiants' méritent-ils la vie éternelle ?"
(2) Si mes notes sont bonnes, cette citation serait extraite de: "Foi chrétienne, hier et aujourd'hui" p. 181
(3) Cf. François Varillon, dans "Joie de croire, joie de vivre" Centurion p. 200

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

L'enfer..sujet très délicat et pas facile,s'il en est un, sur lequel on ne peut que spéculer mais qui concernant son existence est un dogme ou une vérité de foi de l'Église catholique. Cependant les différents scénarios proposés pour l'enfer ne relèvent pas du Dogme.

Si l'enfer existe, c'est donc qu'il doit y avoir des damnés. On dit que l'enfer c'est l'éternel Justice de Dieu. Je dirais qu'on ne peut se moquer de Dieu indéfiniment. Et c'est un peu juste pour ceux qui se sont efforcés toute leur vie de faire sa volonté ou son vouloir.

De tous les scénarios proposés qui ne sont pas des vérités de foi, je retiens celui qui m'est proposé comme quoi la personne en damnation se retrouve éternellement présente dans ce qu'on appelle le 2ème niveau ontologique (celui en-dessous (sic!) du Royaume) (un «état» plutôt qu'un «lieu»). Il est destiné à ces personnes qui ont refusé l'Amour de Dieu pendant leur vie, car comment Dieu peut-Il accueillir dans sa Demeure ou dans son Royaume d'Amour quelqu'un qui a refusé parfois obstinément son Amour ?

Cette personne se retrouve éternellement présente dans ce niveau où(!)elle est est coupée de l'Amour de Dieu (..qu'elle a refusé toute sa vie). Elle se retrouve coupée de toute relation, sans aucune espérance d'accession au 3ème niveau (le Royaume)..sans unité avec les autres (alors que la personne est faite essentiellement pour l'Amour)..sans langage..sans possibilité de communiquer aucune..et en plus dans un état de mourir continuel ou «toujours en train de mourir», car le damné est par définition un refus libre, conscient et volontaire de l'Amour de Dieu. Il refuse d'être créé et de «naître» de Lui.

Et ce n'est pas Dieu qui nous condamne. C'est nous qui se condamnons soi-même en refusant son Amour et son Pardon.

Et il n'y aura pas de damnés pour les élus car chacun aura le Royaume de son coeur (bouton 29, (10), www.spiritualitedunouveauregard.net).

Y aura-t-il plus d'élus que de damnés ?

Qui peut répondre à ça, à part de dire qu'«il y aura beaucoup d'appelés, mais peu d'élus».

5:59 PM  

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