jeudi 1 novembre 2007

Exaucement

Objection: "Vous avez pu remarquer que la prière n'a pas d'effet. J'en ai fait l'expérience quand j'étais jeune. Si on a été exaucé, on dit merci mon Dieu, alors qu'il n'y est pour rien. Il y a de nombreux pauvres, innocents, qui souffrent le martyre, et Dieu qui peut tout, laisse faire. Ça ne le concerne pas".

Ce n'est pas la première fois que j'entends cela. Le silence de Dieu devant la souffrance est souvent la cause avouée de la non-croyance. Comment interpréter ce silence ? Il n'y a pas de réponse claire, rationnelle, comme nous aimerions en avoir. Et je ne sais si l'incroyance disparaîtrait si toutes nos demandes au "Tout Puissant" étaient exaucées ...

Nous comprenons très mal cette toute puissance divine. Ce n'est pas nouveau. Déjà il y a 2000 ans, près du Christ en croix, on entendait les passants dire : "Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ! Il en a sauvé d'autres, il ne peut se sauver lui-même ! Qu'il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui ! " (1) De cette non intervention de Dieu, on conclut vite à son indifférence au sort des hommes, ou tout simplement que Dieu n'est pas !

La foi met en nous une certitude: notre requête est entendue; celui qui la reçoit y est sensible; on ne s'adresse pas aux murs. Nous lisons en effet dans l'évangile: " Demandez et l'on vous donnera; cherchez et vous trouverez; frappez et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande recevra; qui cherche trouve; et à qui frappe, on ouvrira ... Si vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui l'en prie !" (2)

Devant la constatation d'un exaucement, on peut toujours dire: "Dieu n'y est pour rien !" Mais par quelle pirouette intellectuelle réussit-on à concilier l'efficacité de la prière avec le non exaucement ? Voilà la pierre d'achoppement.

C'est que l'exaucement se situe à un niveau supérieur au nôtre. Ceux ou celles qui en ont fait l'expérience ont pu constater que l'exaucement peut souvent prendre une forme bien différente de celle que l'on pensait ou voulait. La pratique de la prière donne cette aptitude à discerner l'exaucement là où il se trouve, ou bien l'espérance confiante qu'il se manifestera d'une façon ou d'une autre. Mais déjà, avant l'exaucement, le seul fait de prier conforte ma relation avec Celui auquel je m'adresse.

Reste la grosse question: devant le mal (ou ce que je considère comme tel ) pourquoi Dieu, bon et tout puissant, n'intervient-il pas, et le plus tôt possible ? En dehors de la foi, la conclusion nous vient tout de suite: ou Dieu n'est pas bon, ou il n'est pas tout puissant, ou il n'existe pas ! On est habitué à ces syllogismes.

J'ai déjà essayé d'aborder ce sujet délicat quelque part dans ce blogue. Je voudrais aujourd'hui en reparler à partir de ceux qui ont vécu à fond leur expérience. Il y en a beaucoup dans le christianisme, mais c'est à une juive hollandaise de 29 ans que je me réfère maintenant, car l'Esprit de Dieu agit partout où il veut, sans distinction d'appartenance à telle ou telle tradition. Il s'agit d'Etty Hillesum. Morte à Auschwitz en 1943, assez bien connue aujourd'hui, elle laisse des notes personnelles et des lettres que l'on retrouvera dans un ouvrage posthume: "Une vie bouleversée" (3). Femme moderne, elle s'est proposée "d'aider Dieu" dans l'enfer des camps d'extermination . Elle, "la fille qui ne savait pas s'agenouiller", a appris à se tourner vers les réalités spirituelles et à prononcer le nom de Dieu. Elle finit par dire : "Je ne hais personne, je ne suis pas aigrie. Une fois que cet amour de l'humanité a commencé à s'épanouir en vous, il croît à l'infini" .

Nous savons que Dieu ne veut pas le mal. Mais il ne le supprime pas d'un coup de baguette magique. Il a besoin de nous. Il veut que nous commencions à le corriger d'abord en nous. C'est notre façon "d'aider Dieu".

Devant la barbarie des camps d'extermination, Etty dira crûment: "La saloperie des autres est aussi en nous. Et je ne vois pas d'autres solutions que de rentrer en soi-même et d'extirper de son âme toute cette pourriture. Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur, que nous n'ayons d'abord corrigé en nous. L'unique leçon de cette guerre est de nous avoir appris à chercher en nous-même et pas ailleurs ".

L'objection me suggère ces quelques pensées. Ce n'est qu'une piste de réflexion au sujet de l'exaucement. Nous trouvons sur Internet un résumé de sa vie, et ce qui a été publié à son sujet. Il suffit d'inscrire le nom d'Etty Hillesum sur Google, et de cliquer sur les sites qui nous intéressent.

(1) Évangile de Matthieu 27, 38-44
(2) Matthieu 7, 7-11
(3) - "Une vie bouleversée", éd. du Seuil, 1985. Et lettres de Westerbork. Les deux textes sont disponibles dans la collection "Points-Seuil" 1995
"Etty Hillesum" de Sylvie Germain, éd. Pygmalion/ Gérard watelet, 1999
"Portrait d'Etty Hillesum", de Ingmar Gransted, éd. Desclée de Brouwer, 2001
"Etty Hillesum", un itinéraire spirituel, du Jésuite Paul Lebeau, éd. Albin Michel coll. "spiritualités vivantes", 2001


1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Dieu n'«existe» pas : Il «est».

*Pourquoi Dieu, si bon et tout-Puissant, n'intervient-Il pas, et le plus tôt possible ?*

Ce n'est pas Dieu qui est responsable du mal qui existe dans notre monde car ce n'est pas son monde à lui. Ce n'est pas le Monde tel qu'Il l'a créé à l'Origine et qu'Il aurait *«voulu qu'il «soit»* par la suite. Ce monde résulte du mauvais choix de l'homme, de sa volonté. Il est à l'image de l'homme.

(Ref. : bouton 13, (6), www.spiritualitedunouveauregard.net).

7:55 PM  

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