vendredi 28 mars 2008

Narcisse

Peut-on se trouver beau ? Drôle de question ! Voilà qui nous rappelle le mythe grec de Narcisse. Ce beau jeune homme qui, en contemplant le reflet de son visage dans l'eau d'une fontaine, tombe amoureux de lui-même. Désespéré de ne pouvoir rattraper sa propre image, il finit par se noyer en tombant dans la fontaine. En ce lieu, poussent alors des fleurs blanches: des narcisses !

Le narcissisme a été exploité par la psychologie. L'amour de soi est le fondement d'une bonne santé psychique (1). Pour cela, il ne doit pas être comme celui de Narcisse, fermé sur soi. Il finit même par devenir destructeur, même suicidaire, quand toute chose est vue en fonction de son propre intérêt. Car, de toutes nos relations, on ne cherche alors qu'à en tirer profit. Le contraire, en fait, de l'amour évangélique.

Faut-il exclure tout profit d'une relation pour que l'amour soit authentique ? Non, mais le profit est un fruit du partage. L'échange est à la base d'une saine relation. Le profit n'est cependant pas d'abord recherché pour lui-même. Surtout dans une relation amoureuse. Il arrive comme par dessus le marché. La nécessaire gratuité de l'amour l'impose. Une relation commerciale, tout en mettant davantage l'accent sur les bienfaits matériels de l'échange, ne devrait pas, idéalement, en être très différent. Ce qui donne les règles d'un commerce équitable et constructif. Si les règles de la compétition prévalent, alors on s'entredévore pour se voler la clientèle. Le monde est ce qu'il est. En étant différent, nous travaillons à le changer.

Revenons à notre sujet. Dois-je avoir peur de ma propre beauté, si je ne veux pas finir comme Narcisse ? Cette crainte m'a déjà effleuré, influencé en cela par des théories qui se voulaient protectrices de mon humilité. Comme nous l'avons vu, une certaine crainte n'est pas exclue, quand l'amour de soi est mal fondé. Une réflexion d'Yves Girard, radiodiffusée à Radio Ville Marie le jour de Pâques, m'amène à aborder ce sujet.

De ce moine trappiste, j'ai retenu ceci: nous avons, envers nous-mêmes, une attitude négative. Ce qui n'est pas bon du tout. Bien sûr, ne tombons pas dans ce que dénonce la parabole du Publicain et du Pharisien (2). Pleinement satisfait de lui-même, le Pharisien priait ainsi, au premier rang de temple: " Seigneur, je te remercie de ne pas être comme le reste des hommes... Je fais ceci et cela de bien .... Eux, ils ne le font pas ...". L'autre orant, le publicain, au contraire, conscient de sa misère, demandait à Dieu, d'avoir pitié de lui, ne trouvant pas grand-chose de bon dans ses actions. La parabole se termine en disant: "Il ressortit justifié, l'autre non; car tout homme qui s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé"

Yves Girard affirme sans hésiter que toute créature est belle. Nous sommes beaux, d'une beauté reçue d'en haut, et souvent ignorée. Ne pas le reconnaître serait faire injure envers Celui qui nous en fait le don. Ce serait aussi de l'ingratitude. La nature même de l'Amour est totale gratuité. Alors, pourquoi ne pas reconnaître notre beauté reçue, et l'offrir à sa Source comme étant, dit-il, "le reflet de sa propre beauté ?".

Que c'est triste de penser que je ne vaux rien. C'est faux ! Je ne vaux peut-être pas grand chose au plan de la rentabilité professionnelle ou autre, mais à ce niveau il y a des bouquins pour m'améliorer intitulés: "Pour les nuls ", en vente chez tous les bons libraires ! (3). Quoique, chacun a ses talents. Je suis expert là où un autre est nul. Mais, au plan spiriituel, celui de l'Être qui ne passe pas, nous brillons tous (même les plus nuls !) d'une beauté qui, tout en étant nôtre, n'est pas de nous. En toute humilité, je suis une perle merveilleuse que mon Créateur se réjouit de contempler (4). Adopter une attitude négative à mon endroit, est paralysante, attristante et pas chrétienne. La changer est une conversion qui conduit "Vers la Vérité", et vers un plus grand bonheur.

Le jeune enfant a un avantage sur l'adulte: il n'est pas encore conscient de sa beauté. Il ne lui vient pas à l'esprit de la nier, ni de s'enorgueillir. Il est ce qu'il est, et il l'exprime tout simplement. Ce qui lui permet de vivre une multitude d'expériences qu'on pourrait dire mystiques. Il les oubliera. Plus tard, adulte, il pourra les faire remonter à la surface et en tirer un profit spirituel. Karlfried Graff Durckheim, dans ses travaux de thérapie (5), aidait les adultes à retrouver ses expériences mystiques de leur enfance. "Rappelez-vous, leur disait-il, dans telle circonstance de votre enfance ... dans un sous bois ... sous un rayon de soleil tamisé par le feuillage ... Qu'est-ce que vous ressentiez ? N'avez-vous pas ressenti la présence de quelque chose de Tout Autre, indescriptible ... etc." C'est ainsi qu'il procédait, invitant à refaire consciemment ce genre d'expériences dont l'art, la grande nature, la liturgie, et l'amour humain sont des lieux privilégiés également pour les adultes.

(1) Cf. sur ce blogue: "Est-ce que je m'aime ?" au 7 février 2008
(2) Évangile de Luc 18, 9-14
(3) J'ai acheté "Internet pour les nuls", sans avoir encore beaucoup progressé !
(4) L'hymne à Marie, le "Magnificat" se fonde sur cette pensée.
(5)ÀTodtmoss, en Forêt Noire. Cf. sur ce blogue au 1 août 2006: "Au delà de l'absurde".

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Ce que j'appelle la «spiritualité thérapeutique» me fait dire qu'il est important de chercher à connaître vraiment qui est la «personne humaine» avec les yeux de la Foi.

12:12 PM  
Anonymous Anonyme said...

Par «personne humaine» je veux dire évidemment cet être entièrement spirituel (corps spirituel + âme)qui est situé sous le personnage.

Cette «personne» est invisible contrairement au «personnage» qui, lui, est visible.

12:16 PM  
Blogger michel said...

Bien d'accord avec vous, Omega 3, la personne n'est jamais malade, sous aucun aspect. Elle est trop souvent ignorée malheureusement ! Ou confondue avec le personnage et sa fonction en ce monde. Alors malgré les traitements de la psychologie, ce personnage aura toujours besoin de thérapie. Et ne sera jamais vraiment guéri ! La psychologie, malgré ses mérites, fait du "patchage" ! Mais ce n'est pas ce que faisait la thérapie de K.G. Durckheim. Malgré nos ignorances,nous pouvons quand même croître tant bien que mal; la souffrance aidant ...

3:29 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home