samedi 21 mars 2009

Être aimés, mais pas trop !

Selon un sage, j'ai encore entendu ceci : "Nous avons de la difficulté à accepter d'être aimés au-delà de ce que nous méritons". Est-ce vrai ? Essayons de voir s'il mérite ce titre de sage que je lui décerne à priori !

N'est-ce pas normal de refuser ce que je ne mérite pas : salaire excessif, marques d'affection de celui que j'aurai insulté ou méprisé ? Bien qu'assez peu fréquent, ce genre d'excès a cependant des exceptions. Lorsque nous parlons des dons de Dieu, nous passons à un autre niveau où les lois changent totalement (1) . Disons même qu'elles disparaissent. Il n'y en a plus. Elles deviennent inutiles; nous tombons dans le domaine de la gratuité.

Dans nos relations humaines, la plupart du temps nous fonctionnons commercialement, donnant donnant. Même lorsque nous faisons des cadeaux, il y a souvent par en dessous l'idée d'un échange. Si je ne rends pas d'une façon ou d'une autre, je me sens en dette; d'où un malaise. C'est comme ça depuis la fondation du monde, nous avons eu le temps de nous y habituer !

L'essentiel à souligner ici, au plan spirituel, c'est que nous passons de l'échange à la totale gratuité. Dieu ne sait pas vendre, il ne peut que donner. Les preuves foisonnent dans les Écritures et dans les témoignages de ceux qui ont transformé leur vie grâce à lui. Avec Dieu nous apprenons à entrer dans ce nouveau régime anti-commercial. Non pas que nous devrions abandonner nos relations d'échanges. Elles nous permettent un commerce nécessaire et équitable (quoique pas toujours !). Mais la gratuité de Celui qui ne sait pas vendre, nous permet de comprendre que nous sommes aimés par notre Créateur sans considérations de mérites ou de conduite morale. C'est bien ce que l'évangile nous montre, particulièrement dans la fameuse parabole dite de " l'Enfant prodigue" en Luc 15, 11-31. Et ailleurs.

En fait, il est difficile de se croire aimés par Dieu gratuitement. Il nous faut un coup de pouce de sa part pour y croire vraiment, et se trouver libérés de toute dette et obligation. Notre conscience nous fait ressortir que nous ne le méritons pas. À juste titre d'ailleurs. Mais le point n'est pas là. Il est plutôt dans la non considération des mérites; car nous éprouvons le besoin de faire des "bonnes actions" pour mériter d'être aimés de Dieu.

Mais alors, objecte-t-on, faisons n'importe quoi; de toute façon le salaire sera là quand même ! Pourquoi se fatiguer inutilement ? Injustice ! Celui qui ne force pas, est aimé comme celui qui se donne de la peine. Voilà bien la mauvaise façon de voir la chose. Car recevoir le don de Dieu, déclenche la reconnaissance et un amour de retour. Ce qui suppose un radical changement intérieur qui se manifeste par des actions reconnaissables. C'est un peu ce que nous pouvons observer dans notre société avec les enfants mal aimés. Dès qu'ils se sentent aimés un changement s'opère. L'amour de leur entourage les transforme.

Il est essentiel de comprendre et de croire que Dieu agit ainsi avec nous gratuitement, qu'il n'attend pas nos "bonnes actions" pour nous aimer. Nous n'avons rien d'autre à lui offrir en échange que l'accueil de son amour. C'est notre réponse adéquate. Ce qui nous transforme et nous pousse spontanément à un comportement digne du don.

C'est assez clair dans l'évangile, mais encore faut il éviter les fausses interprétations dans la compréhension de ces écrits deux fois millénaires. Nous avons intérêt à lire ce que nous en disent les grands exégètes. Ils ont passé leur vie à les étudier (2) Ils ont décelé ce qu'ils appellent les "couches rédactionnelles" dont certaines, écrites longtemps après la mort de Jésus, donnent des interprétations souvent trop morales et culpabilisantes. Ne confondons pas ce qu'on a fait, à une certaine époque, du message de Jésus, avec ce qu'il a dit et voulu nous enseigner. Il est venu, non pour nous condamner, mais pour nous guérir et nous sauver.

(1) Rappelons-nous la paraboles des "ouvriers de la dernière heure", en Matthieu 20, 1-
(2) Pour approfondir il y aurait, de Joachim Jérémias, "Les Paraboles de Jésus", pas très récent mais excellent
.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Joachim_Jeremias
Plus récent: les livres de Michel Gourgues. Et bien d'autres ...
http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/ficheauteur.asp?n_aut=1440