dimanche 5 avril 2009

L'intrus doit disparaître !

"Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt il donne beaucoup de fruits " (1)

Tout le monde, ou presque, connaît cette citation évangélique. Et personne, ou presque, n'a envie de mourir. Mais est-ce vraiment nécessaire ? Et de quelle mort s'agit-il ? Car pour porter du fruit, il faut quand même être bien vivant ! Comment le grain portera-il du fruit s'il meurt vraiment ? Un germe de vie doit demeurer !

Je me souviens d'une de mes expériences d'apprenti jardinier : après avoir semé des pommes de terre jaunes du Yukon, malgré mes bons soins, rien n'avait poussé. J'ai appris que, pour une meilleure conservation, on avait simplement tué le germe par irradiation. Ce que j'avais mis en terre était pour la consommation, et non pour la semence. Pas de chances !

En nous, il y a aussi un germe, mais un germe spirituel de vie éternelle. Pour qu'il fructifie, il faut aussi une certaine mort; mais laquelle ? Probablement pas la mort physique qui ne dépend pas de notre consentement. Mais de la mort de ce qu'on a appelé : l'ego. Non l'ego qui nous structure et nous permet de nous affirmer en tant que personne, mais bien plutôt d'une excroissance de cet ego. Nous le construisons et il vient se greffer sur l'autre comme un intrus. C'est lui qui rend "égoïste", et résiste, s'oppose à la germination spirituelle.

Petit à petit l'intrus doit s'effacer, (2) céder sa place dominante, ne plus toujours pousser à la performance et à la gloire personnelle. C'est lui qui doit s'éroder et mourir. À la disparition complète de ce prétentieux, une forme nouvelle d'humilité s'instaure, et le vrai "Je", enfin libéré (3), se laisse conduire par un souffle intérieur appelé, dans le christianisme, Esprit-Saint.

Ces images d'intrus, de germe, d'érosion, m'aident à mieux saisir le processus de transformation de notre être. Nous sommes ainsi menés vers la transcendance où notre bien propre ne se distingue plus du bien de tous; où notre joie ne se distingue plus de la joie des autres. Mais cette transcendance n'efface pas le vrai "Je". Au contraire elle nous insère comme personne distincte dans un Corps mystique, ou les produits de l' intrus (égoïsme, orgueil, rivalité, haine, etc) ne peuvent plus survivre. Les membres demeurent en pures relations.

(1) Jean 12, 34
(2) C'est dans l'enseignement oriental, spécialement avec Arnaud Desjardins, que j'ai puisé cette image de l'intrus. Je trouve qu'elle convient ici. Bien que, dans le cas du Christ, parfaitement libre, cette notion d'intrus ne peut pas s'appliquer à lui-même. Entré dans la mort volontairement, il est devenu cause efficiente de notre propre libération.
(3) Libération appelée "réalisation" par la sagesse hindoue