lundi 16 novembre 2009

Paix du coeur

« Comme il suffit de peu de choses pour vivre: faire la paix avec ton coeur ! Tout le reste te vient alors par surcroît. » (Y. Girard)

Dans notre monde de rendement et d'efficacité, qui favorise la réussite, où tout se mérite et se gagne, la paix que nous pouvons y trouver est bien précaire. Ce n'est probablement pas cette paix qui donne, de façon stable, la paix du coeur. Elle est trop fragile. Et pourtant, il faut vivre dans ce monde, et y gagner sa vie.

N'y aurait-il pas quelque chose de plus à cultiver ? Dans « Le don de vieillir », Pierre G. van Breemen (1), nous fait remarquer qu'il y a des périodes de vie ou la paix du coeur est mise à l'épreuve; la solitude augmente et est parfois perçue comme un abandon. Ce qui avait du sens à une époque antérieure n'en a plus. La paix vacille. Situation qui n'attend pas nécessairement la vieillesse; elle peut éprouver bien des plus jeunes.

C'est alors qu'il faut s'ancrer dans une dimension bien plus intérieure vers laquelle nos épreuves nous orientent, là où la confiance peut venir à bout de tout. Cette dimension comporte un élément nouveau: celui du mystère auquel on adhère sans comprendre, mais dans une confiance totale. Dans l'évangile, dit le même auteur « on ne trouve pas les mots performance ou rendement. on y parle seulement de fécondité. Cela implique une autre façon de concevoir la vie, car la fécondité recèle un mystère. Jésus exprime cela de façon simple dans la parabole de la semence: Voici à quoi ressemble le Royaume de Dieu. Un homme lance de la semence dans son champ. Ensuite, il va dormir durant la nuit, et il se lève chaque jour. Pendant ce temps les graines germent et poussent il ne sait comment.(Marc 4) C'est la loi fondamentale de la bonne nouvelle ... La foi qui nous fait vivre devient plus signifiante. Elle nous apporte la paix. Ce que le monde ne peut nous offrir ».

Ne serait-ce pas là qu'on peut faire la paix avec son coeur ? C'est un long travail que souvent on ne fait pas si nous n'y sommes pas acculés. La confiance revient toujours. Pour m'y aider : reconnaître que passer un certain niveau, je n'y peux rien. Faire le peu qu'il m'est possible de faire. Trouver ma force dans ma faiblesse, au point de ne compter que sur Celui qui peut tout. Dieu trouve sa joie à nous combler, mais à un niveau qui dépasse nos espérances terrestres. Quelle chance que nous avons de pouvoir ainsi donner de la joie à Dieu !

Voilà qui nous mène vers la maturité spirituelle, ce qui implique de savoir dire merci à la Vie. « Elle nous amène à ne pas la concevoir comme un dû ou comme une fatalité, mais bien plutôt à remonter à sa source. La gratitude suppose la confiance ...L'acceptation n'est totale que dans la gratitude. Elle seule permet d'unifier la vie dont elle n'exclut rien, même les échecs et les déceptions. C'est alors que notre coeur est rempli d'une vraie paix.»

(1) Le don de vieillir, chez Bellarmin

dimanche 1 novembre 2009

Naître pour si peu de temps

Mon sujet d'aujourd'hui m'est suggéré par une question qu'on m'a posée : « je me demande ce que devient l'âme d'un enfant qui meurt après sa naissance ? » Et on ajoute: « Il n'a pas encore d'esprit » (?)

En ce jour de la Toussaint, peut-on penser qu'il fait partie de la foule immense des saints qui louent Dieu éternellement ? N'ayant pas, plus que d'autres, de réponse à donner, je pourrais bien me taire. Ce qui serait peut-être plus sage ! Je préfère cependant en dire quelque chose parce que c'est l'occasion de souligner une dimension divine importante : sa gratuité. Ce jeune enfant qu'on dit quelquefois être un « ange » a seulement à s'ouvrir à ce don gratuit de la vie éternelle. Comme nous d'ailleurs. Mais pour nous, adultes, il y a tellement d'autres choses qui interviennent que cette gratuité est mise en doute. Il faut, pensons-nous, mériter ... Je ne peux pas arriver devant Dieu les mains vides, etc, etc ... Tant d'arguments raisonnables !

Dieu ne nous fait pas entrer dans son royaume et participer à sa vie divine parce qu'on a eu, après quelques décades en ce monde, une « bonne vie ».Tant de paraboles dans l'évangile nous le prouve; entre autres, celle de l'enfant prodigue, et l'exemple du bon larron sur la croix. Dieu trouve sa joie à nous faire partager sa vie divine parce qu'il nous aime et nous a créés pour cela. Nous sommes faits pour une fête éternelle de relations mutuelles. On le voit bien déjà en ce monde comment nous essayons de réaliser cet idéal. Avec plus ou moins de succès ! Bien sûr, pour que cela puisse devenir réalité, il y a sans doute bien des choses à transformer en nous. Il faudrait déjà en cette vie s'appliquer à le rendre possible. Mais l'enfant qui meurt peu après sa naissance n'a sans doute pas à subir ce genre de purification.

J'aimerais mettre ceci en parallèle avec ce que dit le chanteur Jean-Louis Aubert : « La vie est un long 'je t'aime, que l'on aime écrire soi-même ». Le jeune enfant à qui on ne laisse pas le temps d'écrire un « long 'je t'aime' », nous semble victime d'une injustice. Il n'a pas eu le temps de prouver son amour. Mais est-ce vraiment nécessaire de faire cette preuve ?

Quant à dire qu'il « n'a pas encore d'esprit », je me sens en désaccord. L'enfant en bas âge, même s'il n'a pas l'âge de raison et ne sait pas distinguer le bien du mal, a bel et bien en lui une zone de lumière où le regard de Dieu se pose sur lui avec autant d'amour que pour toute autre créature adulte. C'est cela, cette partie essentielle de son âme enfantine, qui est son esprit. Là, en ce lieu secret, (et qui fait toute notre dignité) une relation personnelle s'établit avec son créateur. Sans elle, il ne pourrait même pas subsister. D'ailleurs, même avant de naître, cette relation existait déjà d'une façon mystérieuse. La mort ne peut la faire disparaître.

Les théologiens, dans le passé, ont imaginé un lieu spécial pour les enfants morts en bas âge (et sans baptême). Ils l'ont appelé les limbes. À mon avis, il n'est pas nécessaire d'y avoir recours pour trouver une place à ceux que Dieu a retiré la vie en ce monde plus tôt que d'autres. Nous n'avons pas trop à nous préoccuper de ce qui nous paraît des cas spéciaux. Dieu a plus d'un tour dans son sac. Faisons-lui confiance !