jeudi 27 décembre 2007

Le potier et l'argile

"L'oeuvre dira-t-elle de l'ouvrier: il ne m'a pas faite ? Le vase dira-t-il du potier: il n'y entend rien ?" (1). Cette question du prophète Isaie est moins naïve qu'on le pense, et restera toujours d'actualité.

Isaie compare ici l'être humain à un vase; tandis que le potier est notre créateur. C'est simple: Dieu est le potier, et je ne suis que le pot. Que je ne me sente pas insulté, je suis quand même un pot de luxe ! J'ai reçu une certaine dose d'intelligence. Mais vais-je savoir garder mes limites, sans chercher à expliquer ce qui, pour moi, est inexplicable ?

Nous présentons à notre intelligence beaucoup de problèmes sans solution. Habituée qu'elle est à raisonner dans le domaine qui est le sien: celui de la vie quotidienne et de la science, elle est devenue très habile. Elle se croit encore capable de trouver des réponses rationnelles dans un domaine qui lui est étranger: celui de Mystère insondable. Si elle n'accepte pas de faire un saut dans un autre registre, alors elle déraille ! La philosophie cherche avec raison à aller le plus loin possible, mais jamais elle ne pourra dépasser les bornes du rationnel. C'est en les respectant qu'elle en apprendra le plus.

Le pot reçoit tout de celui qui le fait. Il n'a pas à chercher ailleurs l'origine de son être de créature. Il n'a pas non plus à argumenter avec le Potier. Il ne peut que s'ouvrir à ce qu'il veut bien lui dire. Malgré la divergence des dons intellectuels, l'intelligence du coeur est accessible à tous. "Bienheureux les pauvres en esprit" (2) dira plus tard un autre prophète, infiniment plus grand qu'Isaie, et dont on vient de fêter la naissance en ce monde: le Christ.

Le physicien et mathématicien Albert Einstein, après avoir fait faire un bond en avant extraordinaire à la science, admettait humblement: " Dieu commence là où finit la raison ...". Je cite ici de mémoire ce que j'ai entendu dernièrement à la radio, et je ne pourrais en donner les références. Mais cette affirmation, dite par "le pot Einstein", lui donne du relief.

Les médias annoncent ce matin une triste nouvelle: l'assassinat de Mme Bénazir Bhutto au Pakistan. Après ce qui vient d'être dit ici, une telle marque de violence m'apparaît comme un raidissement du "pot d'argile" qui n'accepte pas ce qui est, et refuse d'entrer dans le jeu mystérieux de la vie. Il veut imposer ainsi sa propre volonté pervertie. Ce n'est pas la première fois.

(1) Isaie 29, 16
(2) Matthieu 5, 3

jeudi 20 décembre 2007

Les mots et leur message

Les mots ont un sens, mais comment est-il perçu ? Ce n'est pas toujours celui du dictionnaire ! "Lorsque je veux te parler, je cherche comment faire passer dans ton coeur ce qui est déjà dans le mien". (Saint Augustin)

Une expression, verbale ou écrite, peut évoquer une situation vécue, heureuse ou malheureuse. En l'entendant, les émotions qui lui sont reliées remontent à la surface. Un peu d'introspection peut nous aider à surmonter ce problème. Phénomène qu'on peut aussi observer avec une musique, un paysage, un objet, etc.

Le langage religieux n'y fait pas exception. Il y est même plus sensible. Ainsi certains mots, comme pensionnat, messe, prière, pureté, charité, clergé, vatican, morale, péché, conversion et bien d'autres, peuvent devenir inaudibles par ce qu'ils évoquent pour nous personnellement. Le mot "spirituel", plus neutre que le mot "religieux", passera beaucoup mieux.

Une nouvelle version de la bible 'Segond', qui fait autorité auprès des églises protestantes, vient d'être publiée à Genève. Linguistes, théologiens et historiens ont collaboré pour la mettre au point afin qu'elle soit accessible au lecteur d'aujourd'hui. Des mots ont été changés tels que "repentance" remplacé par "changement d'attitude"; "iniquité" remplacé par "faute, injustice, ou mal" selon le contexte, etc. Plus d'un demi-million de bibles de cette nouvelle édition ont été imprimées cet automne. Paraît-il que ce vénérable livre demeure le plus grand succès d'édition au monde. Il y en aurait 30 millions d'exemplaires. Plus que "Harry Potter" ! Mais je me demande bien où elles passent ? Car sur les 6 milliards et demi que nous sommes sur la planète, relativement peu de gens semblent s'y intéresser. Un jour le message spirituel de ce best-seller, plusieurs fois millénaire, finira bien par éveiller l'attention.

C'est un peu ce qui m'est déjà arrivé durant mon adolescence. Le grenier était pour moi un lieu attrayant. Un jour, j'y ai trouvé un vieil évangile qui semblait m'attendre. Bien qu'en ayant déjà entendu parler pour avoir fréquenté le catéchisme de mon enfance, j'avais l'impression d'avoir fait une découverte importante. Les mots de ce livre se sont mis à m'interpeller et depuis ils n'ont pas cessé de prendre du relief.

D'autres traditions orientales m'ont aussi apporté leur lumière. La bible, si vénérable soit-elle, n'est pas la seule détentrice de la vérité. D'autres voies peuvent nous apparaître divergentes, mais au sommet toutes se rejoignent. Avec le progrès des moyens de communication, toutes ces formes de spiritualité restent ouvertes les unes au autres, et donnent accès au sens de la vie. Comme il y a une multitude de nourritures pour alimenter notre corps physique selon les lieux et les climats, il y a aussi cette diversité de traditions spirituelles adaptées aux différents peuples. Cheminant maintenant vers la fin de ma vie, je peux mieux faire l'unité de toutes ces voies et les apprécier dans leur ensemble comme ayant la même source.

Il y a aussi tous ceux et celles qui rencontrent le divin, sans trop le savoir, dans la pratique d'un art, la contemplation de la nature et, plus encore, dans l'entraide et l'amour, qu'il soit fraternel ou en couple. Après tout, n'est-ce pas là que Dieu est d'abord ? Il se définit Amour. Sans cela tous nos rites ne sont rien; et nos mots que des pièges !

jeudi 13 décembre 2007

Une infinie discrètion

"La mise en place du sublime s'opère dans une infinie discrétion". Ces paroles sont celles d'un trappiste (1) entendu dernièrement sur les ondes de radio Ville-Marie, à Montréal. Voici ce qu'elles me suggèrent.

Dans notre société bruyante où la publicité, le vedettariat, la compétition, le sensationnel font fureur, "l'infinie discrétion" n'est pas de mise. Le monde du spectacle a besoin de tout cela, mais nous n'y trouvons guère le climat favorable au développement du sublime, quoique ... malgré toute cette esbroufe, on peut y déceler encore le sublime qui se cache. Mais il faut savoir y être attentif, car le sommet des valeurs spirituelles, esthétiques ou morales s'établit sans faire de bruit, ou malgré le bruit.

Le sublime se perçoit plutôt dans le silence intérieur. On peut le côtoyer sans le voir. Le sublime d'une oeuvre musicale ou d'un beau paysage m'échappe parce que je n'y suis pas accordé. M'échappera aussi la présence d'un ange, agneau déguisé en loup. L'agitation ou le regard routinier m'empêchent de déceler le sublime. Trop habitué au spectaculaire, aux grandes choses qui arrivent avec tambour et trompette, je ne suis plus adapté à la beauté discrète, plus stable, plus imprégnante et comblante que tous les clinquants.

La sublime réponse du divin à mes demandes intérieures est souvent discrète. Je n'ai pas su la voir car je la cherchais ailleurs que là où elle était. Ou dans un temps qui n'était pas celui où je l'attendais.

Le sublime n'est pas pressé, il s'élève lentement et ne peut se voir que de l'intérieur. Dans un coeur bruyant et encombré, il ne pourra s'y adapter, ni inventer ses propres lois pour agir d'une façon juste. Yves Girard, cet homme sage, dit que nous nous soumettons à un code de lois qui nous a été imposé. La plupart du temps, nous ne le critiquons même pas. Ce n'est pas ainsi qu'un vivant peut se libérer des faux modèles qui lui sont proposés pour atteindre une plus grande liberté intérieure. "Aime et fais ce que tu veux !" dira Saint Augustin.

"L'anarchie du coeur, passe avant la loi écrite" (2). L'amour dispense de la contrainte de la loi extérieure. Il n'entrave plus ma liberté, il me la donne.

(1) Yves Girard, trappiste d'Oka (Québec).
(2) Cf. sur ce blogue "Anarchie", au 17 nov. 07. On y trouve aussi ses écrits.

vendredi 7 décembre 2007

Les bienfaits de la pénurie

(Cet article vient de paraître en même temps sur le site: http://www.naturavox.fr, où nous trouvons de nombreux articles sur l'environnement, ainsi que des videos).

Nous le savons, c'est dans l'épreuve collective qu'on se serre les coudes. L'entraide devient alors nécessaire, une condition de survie. L'eau qui est à l'origine de la vie sur la planète est un élément vital pour tous les peuples. Elle est la plus précieuse de nos richesses, de beaucoup supérieure à l'or si convoité. L'or bleu est plus vital que l'or jaune ! Un jour, par sa rareté, et à cause de sa rareté, l'eau pourrait bien unir les hommes, au lieu de les diviser. Et ce jour n'est peut-être pas très éloigné !

C'est du moins ce que laissait entendre un document télévisé sur l'eau, qui vient d'être présenté ici, sur Télé-Québec. Pour faire ressortir les grands enjeux de l'eau douce à travers le monde, le photographe-cinéaste Yann Arthur Bertrand a choisi Israel et la Jordanie. Il montre aussi des images de la Palestine, du Mali, de l'Algérie, de Las Vegas (grande gaspilleuse d'eau), et de la France (la Loire).

De son étude, j'en conclus qu'il devient impératif de se mettre ensemble pour réfléchir au problème de l'eau, l'économiser et la partager intelligemment . Au lieu de tirer chacun de son côté et en priver ses voisins. Ses remarques sont intéressantes, à mon avis, parce qu'elles sont transposables dans bien d'autres domaines. L'eau peut être vue ici comme le symbole de toutes les ressources de notre Mère Terre.

Il y a des problèmes écologiques qui conduisent à des conflits douloureux, cause de graves discordes. Mais ils conduisent l'humanité vers les vraies solutions. Elles sont nécessaires, contraignantes et réalisbles. L'autre alternative serait d'accepter la catastrophe ! C'est peut-être là que se situe la vraie "dictature écologique". Expression empruntée à Marc Jolivet que je viens d'écouter sur le video de Natura Vox. Il a l'art de faire passer avec humour, ce qui n'est pas tellement drôle. À un moment donné, il faut imposer par une certaine dictature, quand on ne peut pas s'accorder sur le nécessaire; à moins que l'on préfère un suicide collectif !

Si l'eau douce devient précieuse par sa rareté, elle pourrait avoir un effet bénéfique: réussir à unir et à concilier ce que rien d'autre n'aura su faire. L'auteur du document sur l'eau, montre d'ailleurs une scène touchante: un Palestinien et un Israelien en train de s'embrasser pour avoir réussi à collaborer efficacement à un grave problème d'eau.

Sans ce partage concerté des ressources dont l'eau est à la base, nous risquons tous, riches et pauvres, de mourir avant l'heure. Les plus fortunés auront peut-être le privilège de mourir un peu plus tard. Regardons ce qui se passe dans certains pays d'Afrique.

La richesse mal partagée et l'appât du gain est ce qui contribue à nous diviser et met la paix en péril. Si nous ne changeons pas nos modes de vie, en respectant et partageant nos ressources équitablement, viendra un jour où la richesse accumulée ne pourra plus nourrir son détenteur. À côté de l'or amassé et inutile, le propriétaire de ce trésor (homme ou nation) crèvera de faim !

Que pouvons-nous faire individuellement ? Ne pas gaspiller l'eau ? Solution insuffisante et pas nécessaire dans les pays où elle surabonde, comme ici au Québec. Mais travailler à améliorer nos relations humaines, oui ! Et dans tous les domaines, pas seulement celui de l'eau ou d'une autre ressource. On le sait: tout se tient ! Je pense que partout où la justice et le partage "coulera" bien, comme l'eau, la vie sur la terre continuera à nourrir son monde.

dimanche 2 décembre 2007

Union homme et femme

Ces deux créatures sont-elles faites pour aller ensemble ? Drôle de question ! De tout temps, hommes et femmes n'ont-ils pas cherché à s'unir pour fonder cette merveilleuse communauté qu'est la famille ?

L'union la plus traditionnelle s'appelle le mariage. Et pourtant, de nombreux couples, surtout au Québec, choisissent aujourd'hui de vivre ensemble, hors mariage. L'expérience se retrouve aussi ailleurs. Essayons de comprendre ce que, pour eux, cela signifie.

Le mariage passe souvent par des festivités qui, avec tout ce qu'elles impliquent (les noces) coûtent très cher. Pour les adeptes de la simplicité volontaire, de plus en plus nombreux, cela peut paraître presque indécent, et pourrait être bien simplifié. Voilà un pas dans la bonne direction. Mais ce n'est qu'un aspect extérieur; ce n'est pas l'essentiel.

Ces couples, qu'on a appelés "conjoints de fait", pensent qu'il n'est pas nécessaire d'être mariés pour être heureux. Alors, il décident de s'engager l'un envers l'autre sans mariage légal. A une époque où les unions semblent fragiles, on veut aussi (au cas où ...) éviter de se mettre dans des situations qui seraient légalement compliquées à défaire. Ce sera à travers leurs enfants et leurs responsabilités communes qu'ils vont concrétiser leur engagement l'un envers l'autre. Quelquefois, les enfants précédent l'engagement.

Les jeunes couples, ou moins jeunes, sont assez observateurs, pour se rendre compte que ce n'est pas un papier ou un contrat, même devant Dieu, qui peut sauver une union quand l'amour n'est plus là. Le mariage, civil ou religieux, n'est pas le moyen magique pour consolider une union. Il offre cependant une certaine protection en imposant des règles claires. Mais ces règles, comme l'expérience le prouve, ne sont évidemment pas suffisantes pour empêcher la rupture.

J'écoutais, il y a quelques jours sur Télé-Québec, une interview du poète et chanteur québécois Gilles Vigneault. Il disait que les enfants d'autrefois étaient sûrs de leurs parents et des liens qui les unissaient. Ils savaient que leur père et leur mère resteraient toujours ensemble. Ce n'est évidemment plus le cas; et lui-même a vécu un divorce qu'il ne pouvait pas prévoir, ni ses enfants.

Souvent les nouveaux couples qui se reforment ont déjà vécu une séparation après un mariage en règle; ou l'un des deux. Ce qui n'est pas sans laisser de blessures. Donc, si une nouvelle union s'envisage, elle se fera avec un plus grand désir d'indépendance. Surtout chez la femme qui ne veut pas se retrouver sans rien en cas d'échec. On va donc s'arranger devant notaire, pour que les choses soient claires, avec un testament. Ce qui ne manque pas de sagesse.

Mais quelle est donc, au départ, la meilleure garantie d'une union solide ? Si toutefois, il peut y avoir une garantie. À mon avis, c'est l'engagement d'amour mutuel. C'est d'abord ça le mariage, avant tout. Et non le contrat extérieur, qu'il soit civil ou religieux. Que valent les seules promesses devant témoins ? Elles ne sont qu'une reconnaissance officielle d'un engagement qui est aussi un acte social. La société étant constitué de l'ensemble de ces cellules familiales. Conception qui a pu être contestée, mais pas vraiment remplacée. Et je ne pense pas qu'elle le soit un jour.

L'amour mutuel normalement évolue. Ce qui ne veut pas dire, comme on le croit trop souvent, qu'il va diminuer ou disparaître sous l'effet de la routine. Ordinairement au bout d'un certain temps (on dit 3 ou 4 ans ) il se transforme en mieux, pour fonctionner sur un autre mode, moins sentimental, mais plus solide que la passion des débuts. Tout le monde sait cela, mais encore faut-il l'expérimenter et le surmonter. D'ailleurs, les mariages qu'on appelle de raison, commencent souvent à ce niveau et n'en sont que plus solides. (Je ne parle pas des arrangements pour les fortunes).

Voyons l'aspect spirituel. Pour des croyants, quelle sera la place de Dieu dans le couple ? Question pertinente, surtout si on s'est déjà marié à l'église et qu'une rupture s'en est suivie. Ce qui est important, ce n'est pas Dieu, mais la relation qu'on entretient avec lui. Mais alors qu'en est-il des couples qui, sans avoir impliqué Dieu dans leur engagement mutuel, réussissent à former une union solide et à vivre heureux ? Dieu est-il pour eux un luxe inutile ?

Cette situation, heureusement assez fréquente, n'est pas sans me rappeler ce passage de l'évangile: "Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, de te voir ... etc.". La réponse: "Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères ... c'est à moi que vous l'avez fait" (1). On pourrait bien faire l'analogie: "Dans la mesure où vous avez travaillé dans mon sens, selon votre conscience où j'étais là présent, c'est avec moi que vous l'avez fait". Je suis personnellement convaincu que Dieu est présent dans un couple, quand il y a le souci que s'affermisse l'amour, qu'il se transforme, pour finalement devenir un lien solide et fructueux.

Nous pouvons aussi nous demander: Dieu peut-il approuver, ou favoriser une séparation ? Ne trouve-t-on pas dans l'évangile: "Ne séparez pas ce que Dieu a uni" ? La vraie question, me semble-t-il, serait plutôt: Dieu a-t-il vraiment uni ? L'essentiel du mariage est là d'abord, même sans le contrat extérieur.

Pour des raisons diverses des couples optent pour le mariage à l'église, et ne voudraient pas s'en passer. Que faire si la vie en commun s'avère vraiment impossible ? Pourquoi empêcherait-on une nouvelle union ? Pourquoi s'évertuer à trouver des causes de nullité du mariage précédent, afin de rendre acceptable un nouveau mariage ? Pourquoi ne pas les accueillir comme les autres dans la communauté ecclésiale, avec les mêmes droits à la communion ? Ces cas douloureux doivent s'accompagner de sentiments de respect, si possible d'amitié, pour le conjoint précédent.

Je trouve beau de voir ceux et celles qui cherchent à s'adapter à la lumière qu'ils découvrent progressivement, et qui cherchent à mieux faire au fur et à mesure des événements qu'ils ont à assumer. Avancer pas à pas, "vers la vérité" ! C'est le titre de ce blogue. Peut-on faire mieux ?

(1) Matthieu 25, 37