samedi 25 novembre 2006

La dernière tue !

"Elles blessent toutes, la dernière tue !". De quoi s'agit-il ? Des heures ! Je ne sais de qui est cette sentence de sagesse, cette réflexion sur le temps qui passe. On la trouvait autrefois inscrite en latin (1) sur certaines horloges. Aujourd'hui, je serais tenté de la placer sur la mienne, mais cachée à l'intérieur pour n'effrayer personne !

Voltaire n'aurait sans doute pas été d'accord, lui qui disait: " Ne pense jamais à la mort, car la pensée de la mort n'est bonne qu'à empoisonner ta vie !" Je n'ai nullement envie d'empoisonner ma vie, mais je sens le besoin d'apprivoiser la mort. Et le meilleur moyen de le faire ne serait-il pas d'en voir le sens ?


Je ressens à priori, même sans l'appui de la foi, que la vie d'un être doué de conscience, capable d'amour, et aspirant à vivre pleinement et toujours, ne peut pas finir "en queue de poisson", dans le néant. Ce n'est pas une consolation illusoire. Si à cela s'ajoute les données de la révélation, alors on voit que, si tout ce qui naît meurt, l'être humain ne naît pas seulement pour mourir. Sa mort devient un passage vers une vie éternelle. Voilà encore une façon de dépasser l'absurde.

Même si la mort peut survenir à tout instant, à notre insu, elle paraît souvent lointaine. Lorsque la dernière heure, "celle qui tue" aura sonné, et me sera connue, elle ne sera plus un sujet abstrait. Peut-être n'aurai-je plus qu'une envie: me laisser emporter par elle. Quoique qu'il en soit, je trouve que parler de la mort, même d'une façon abstraite, ne peut que m'aider à mieux la vivre.

(1) "Vulnerant omnes, ultima necat"

mardi 21 novembre 2006

Les contraires

Est-il possible qu'une vérité d'ordre spirituel se présente sous des aspects contradictoires ? Deux affirmations contraires au sujet d'une même chose sont-elles compatibles ? On trouve de ces contradictions dans les textes sacrés, traditionnels, et on n' a pas cherché à les éliminer.

Je ne m'attarderai pas à relever les exemples de contradictions que l'on peut trouver dans les textes sacrés. Je n'en connais que quelques unes et me contente de considérer celles sur lesquelles je me bute. Ces divergences peuvent expliquer des attitudes différentes chez les partisans d'une même foi.

Dans la bible également. Le Messie est appelé "Prince de la paix" (Isaie 9, 5). Le Christ (Messie) proclame: "Heureux les artisans de paix" (Math. 5, 9) Et pourtant, Jésus nous dit: "Pensez-vous que je suis venu établir la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais la division...etc" Et il nous dira même qu'il est venu semer la division à l'intérieur d'une même famille. (Luc 12, 51).

Il ne faut pas avoir peur des contraires ou penser qu'ils ne sont pas authentiques. Je dois les accueillir comme des apparences de contradictions et savoir les réconcilier. En faisant ce travail, avec patience et humilité, je progresserai "vers la vérité" Quelquefois un aspect me sera plus sympathique ou plus utile qu'un autre. Mais je ne dois pas le séparer de son contraire.

Je pourrais pousser le principe de la réconciliation d'opposés, en considérant avec un esprit d'accueil les vérités d'une tradition autre que la mienne. Certaines de ces vérités ne font pas nécessairement bon ménage avec celles affirmées dans ma propre tradition. Si je n'aboutis pas à une réconciliation, il me suffira alors de garder un point d'interrogation qui trouvera sa réponse lorsque les opposés se rejoindront au sommet, d'une façon qui m'est pour l'instant mystérieuse. Ce n'est habituellement pas très bien vu par certains théologiens qui accusent cette attitude d'irénisme.

jeudi 16 novembre 2006

Ce corps que je suis

Je vais essayer d' exprimer des choses difficiles. Je vais faire des distinctions dans ce qui ne fait qu'un. Il s'agit de réalités spirituelles profondes que je ne peux saisir que globalement. Je prends le risque de m'exprimer confusément, et peut-être de n'être pas compris en voulant trop prendre des raccourcis.

Il y a un mystère du corps. Mais dire qu'il y a un mystère du corps, ne signifie pas qu'on ne peut rien comprendre. Ce corps que nous avons est-il différent de celui que nous sommes ? Oui ! Et la distinction est importante; il est légitime de la faire.

Le corps que j'ai, c'est le corps-objet, le corps biologique de nos perceptions. Il a un poids, se déplace, habite un lieu, souffre et meurt, car il est voué au vieillissement et à la mort. En un mot, il est éphémère et fragile. Y a-t-il un remède aux "irréparables outrages" que le temps inflige à ce corps que j'ai ? On fait bien des efforts pour en trouver, mais ils ne sont pas d'une très grande efficacité. Du moins, jusqu'à maintenant, on n'a rien trouvé qui nous permette d'échapper au vieillissement et à la mort. Tout au plus on a réussit à les retarder. Mais ne nous faisons pas trop d'illusions, aucun remède n'y remédiera !

Mais voilà, il y a autre chose ! Oui, il y a le corps que je suis, c'est le corps-sujet. L'être humain est un corps animé ou, ce qui revient au même: une âme incarnée. On a souvent fait la distinction entre âme et corps. Elle est théorique, et vient de la philosophie grecque. D'après la spiritualité biblique, elle ne semble pas justifiée, car âme et corps sont inséparables. L'âme n'est rien sans le corps, elle vit et s'exprime par le corps. Est-ce dire que, une fois le corps mort, il ne reste plus rien ?

Il faut comprendre que le corps que je suis, n'est pas celui que j'ai, bien qu'essentiellement inséparable de lui. Mais alors en quoi est-il différent ? Le corps que je suis est une personne, c'est-à-dire quelqu'un de conscient et libre, quelqu'un qui pense et aime. C'est un moi-sujet. Il utilise son moi-objet (le corps que j'ai) pour s'incarner dans le monde, faire un avec ce qui l'entoure. Contrairement avec le corps que j'ai, le corps que je suis a une permanence. La personne humaine ne meurt pas. À travers son substrat biologique (corps que j'ai) elle perdure et s'oriente vers l'Éternité.

Cependant la distinction ne concerne que les apparences, car les deux corps ne font qu'un. L'un (le corps que j'ai) est le signe et l'instrument de l'autre. Le corps que je suis est essentiel et permanent. Celui que j'ai est éphémère, accidentel mais, par une mystérieuse mutation, il devient le corps que je suis. Un auteur (1) compare cette mutation à une combustion et considére le cadavre que laisse la mort comme les cendres de cette mutation du corps. Il dit encore: "Comme le germe mange sa graine pour devenir sa plante, ainsi du corps propre à l'endroit de son substrat biologique".

Voilà toute une pédagogie du signe: le corps que l'on a , au service du corps que l'on est. Et le même auteur de conclure: "Autant ma biologie... m'impose ses lois (je nais, souffre, vieillis et meurs sans l'avoir voulu) autant , comme le divin potier de la Genèse, je façonne et repétris à mon gré, le corps que je suis en ce monde, mais pour l'Éternité. Qui mesurera jamais l'inépuisable intérêt de cette incroyable révélation ? Elle nous livre la clé du destin de chacun et du monde".

(1) Frédéric Marlière.

samedi 11 novembre 2006

11 Novembre

L'éditorial de notre journal, aujourd'hui, nous rappelle le film "Joyeux Noel", sorti l'an dernier. Je ne l'ai pas vu, mais l'histoire émouvante qu'il raconte, je la connais bien pour l'avoir entendue raconter plusieurs fois, dans ma jeunesse, par des anciens combattants de la guerre 14-18.

Dans les tranchées, au front, les armées ennemies se font face. C'est la nuit de Noel. Un soldat allemand entonne un cantique de Paix. Les belligérants français répondent au chant. Un choeur improvisé se forme, et une trêve illégale s'organise spontanément, au mépris des lois de la guerre. Ce ne sont plus des ennemis. Ils fraternisent ensemble pendant quelques heures. Puis les cantiques font place au chant cruel des fusils et des canons.

Histoire bouleversante d'humanité et d'absurdité. Quel mélange de beauté et de laideur ! Que pouvait-il bien se passer dans le coeur de ces hommes ennemis et pourtant profondément amis ? Ils ne demandent qu'à s'aimer ! Alors, ou est la logique ?

J'ai l'impression que ces sentiments ambivalents se retrouvent souvent pendant les guerres. On les retrouve aussi dans nos villes et nos familles, avec les divorces, les disputes, etc. Quelquefois, l'amour réussit à survivre et à se fortifier. Plus souvent peut-être, on voit l'amour qui fait place à la haine qu'on n'a pas su surmonter. Sera-t-elle définitive ? Ainsi est la nature humaine, ambivalente, impuissante devant ses propres contradictions. "Je ne fais pas le bien que je veux, nous dit Saint Paul, et je fais le mal que je ne veux pas" Qui va nous aider ? Les psychologues ? Partiellement peut-être, pour aider à voir clair. Mais ordinairement ce n'est pas suffisant. Je parlais précédemment de l'âme profonde qui, comme un miroir pivotant, avait la possibilité de se tourner vers le monde d'en-haut...

"Je lève les yeux vers les montagnes:
d'où le secours me viendra-t-il ?
Le secours me viendra du Seigneur
qui a fait le ciel et la terre." Psaume 120 (121)

Encore une fois, je ne peux m'empêcher de citer, en ce 11 novembre, celui qui a été un combattant pendant la première guerre mondiale (et contre les Français. Mais qu'importe !). Il s'agit de K.G. Durckheim: "L'homme reçoit la lumière du sens quand il ne comprend plus rien avec sa tête...Perdu dans le non-sens, et déchiré par des situations absurdes, ou le ridicule de son existence, s'il est capable d'accepter l'inacceptable, alors il peut faire l'expérience d'une autre vie... et jaillit la Lumière". Cf. sur ce blogue, le message du 1 août 06: Au-delà de l'absurde)

jeudi 9 novembre 2006

Prière ou pas prière ?

Dispute au Conseil municipal de Trois-Rivières ! Ce n'est bien sûr pas la première fois, mais ces jours-ci, selon le journal, le sujet de discorde était le suivant: pourquoi, dans une société comme la nôtre, maintenant laique et pluraliste, faire une prière avant les assemblées du Conseil ? Le maire et quelques conseillers sont en faveur: c'est une tradition ! Les autres sont contre: nous ne sommes plus en pays de chrétienté. Que personne n'impose la prière à ceux qui ne la veulent pas !

Mon opinion ? Nous sommes vraiment doués pour trouver des sujets de dispute. Je ne suis pas contre la prière, j'y accorde une grande place dans ma vie, mais ne l'imposons à personne. Nous ne sommes pas dans une église, mais dans une mairie. Les foudres divines ne vont pas tomber sur nos élus ! Je ne vois vraiment pas la place d'une prière commune dans une assemblée publique où la plupart sont en désaccord et n'ont pas la moindre envie de prier. Certains ont eu l'heureuse idée de remplacer la prière traditionnelle par un temps de silence ... Il y a des solutions à tout !

Craint-on de collaborer à la désacralisation de la société ? Où voit-on là un manque de courage pour affirmer ses convictions religieuses ? Il ne s'agit pas de les cacher; seulement de ne pas les imposer.

On voit par contre, comment les sociétés laiques ont du mal à gérer les signes religieux qui veulent se manifester publiquement ( voile islamique, port ostensible de la croix, poignard des Sikhs, etc) Pourquoi empêcher qu'ils se manifestent ? S'ils sont assez discrets, ça ne devrait déranger personne. Cela nous éduque à la tolérance. Nous en aurons de plus en plus besoin. De plus, je vois là le signe d'une présence spirituelle. Il n'est pas nécessaire qu'il corresponde à celui de mon clocher ! Tout ces événements ont sans doute leur raison d'être. Ils sont bénéfiques pour notre société.

jeudi 2 novembre 2006

Faire ou être ?

Je viens de lire un passage de Maître Eckhart, ce sage allemand du XIV siècle. Il dit ceci:
"Les gens ne devraient pas tant penser à ce qu'ils font, ils devraient penser à ce qu'ils sont".
Voilà bien de quoi me rendre un peu meilleur, si j'essaie de le mettre en pratique.

Je me souviens d'un vieux principe de philosophie: "L'opération suit l'être". Ce qui veut dire que j'agis selon ce que je suis. Mes actions découlent de mon être. Principe élémentaire, presque une vérité de la Palice !

Maître Eckhart continue:
"Si tu es juste, tes oeuvres aussi seront justes. Ne pense pas que la sainteté se fonde sur les actes, on doit fonder la sainteté sur l'être, car ce ne sont pas les actes qui sanctifient, c'est nous qui devons sanctifier les oeuvres. Si saintes que soient les oeuvres, elles ne nous sanctifient absolument pas en tant qu'oeuvres, mais dans la mesure où sont saints notre être et notre nature...".

"Ce ne sont pas les oeuvres qui sanctifient, dit-il, si saintes qu'elles soient". J'essaie de comprendre. Je vais soigner une personne âgée, malade. Action "sainte" en soi. Mais je le fais pour figurer sur la liste des héritiers... mon être n'est pas saint; je suis mû par mon intérêt. Mon action sera très profitable au malade, mais mon être, lui, restera encore infirme; mes actes ne me sanctifient pas !

Mes actes peuvent aussi satisfaire mon besoin maladif d'action (activisme), ou mon besoin de rassembler et d'enrôler tout le monde (réunionite). La dépression alors me guette quand l'action, ou l'assemblée n'est plus là.

Pour rectifier mon être, l' auteur me dit sur quoi je dois me centrer et pourquoi:
"La raison qui fait que la nature et le fond de l'homme sont grandement bons et qui rend bonnes les oeuvres de l'homme, c'est que l'esprit de l'homme soit totalement tourné vers Dieu".

"L'esprit de l'homme", signifie ici la partie contemplative de l'âme. Elle a déjà été comparée à un miroir. Un miroir pivotant que je peux orienter à volonté vers le Ciel ou vers la terre. C'est peut-être la raison pour laquelle ce genre de miroirs pivotants sur un axe ont été appelés "psyché" (Cf. dictionnaire Larousse). La psyché étant le nom grec de l'âme. Je peux tourner mon âme contemplative vers les choses d'en-haut ou vers celles d'en-bas. Voilà, semble-t-il, ce qui me centre vers Dieu, bonifie mon être, le rend saint. On devient ce que l'on contemple, disent les orientaux. Puis, la conséquence s'impose: mes oeuvres aussi deviennent meilleures.

Avant de terminer, j'aimerais préciser ici que se tourner avec amour vers ce qui est Bien, Beau, Juste et Vrai, c'est déjà aussi se tourner vers Dieu. Il est tout cela !