mercredi 29 avril 2009

Solitude et relations

Il y a la solitude de l'ermite dans son ermitage. Paradoxalement, il pourrait bien être le moins solitaire de tous les hommes si, dans son coeur, il est plein de relations. Un saint a déjà dit: "Bienheureuse solitude, seule béatitude" (1) Ici, la relation essentielle à Dieu, fonde la béatitude.

Mais la solitude, telle qu'elle sonne à nos oreilles, est loin d'être une béatitude. C'est la souffrance de l'isolement dans son aspect horizontal, notre relation aux autres. Il est clair que, dans la mesure du possible, nous devons nous efforcer à la faire disparaître. Nous pouvons y travailler selon ce que nous sommes, d'une façon ou d'une autre. Ce qui ne consiste pas nécessairement à tenir compagnie aux personnes seules, ou à jouer aux cartes avec elles. Ce qui est très valable et même gratifiant; mais personnellement, je ne m'y sens pas très doué. Trouvons chacun notre manière de lutter contre le fléau de la solitude.

La dimension verticale dans la relation à Dieu, sans négliger l'horizontale, me paraît être un remède puissant contre la solitude. Y en a-t-il vraiment d'autres ? D'autres qui ne soient pas des distractions passagères pour "tuer le temps" ? Ceux ou celles qui en font l'expérience, définitive ou passagère, l'attestent, soit par leur paroles ou, mieux encore, par leur rayonnement discret d'une présence. Ils sont plus nombreux que nous pourrions le penser, et sont pour leur entourage, un réconfort spirituel. Nous ne sommes pas toujours portés à les voir, parce qu'ils se trouvent souvent chez ceux qui ne font pas grand bruit, simples de coeur, et souvent proches de la nature.

Oui, établir une relation est un remède à la solitude. L'être humain, de toute évidence, est un être de relation. Se sentir en relation est essentiel, et non un luxe spirituel. La solitude alors n'existe plus. Ou bien, si elle est encore douloureusement ressentie, elle prend des formes "purifiantes" et mène vers une sortie du tunnel. La relation a Celui qui me donne l'Être et la Vie est toujours là, même non perçue dans la sensibilité. La solitude ontologique (celle de l'Être) n'existe pas, car toujours l'Être nous accompagne. Mais je peux me trouver dans des conditions telles que je ne puisse pas en "jouir". D'où sentiment d'abandon. Rappelons-nous: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Ps 21, 22

Donc , la difficulté que je peux avoir à me tenir en cette présence peut être une épreuve; du moins pour ceux qui cherchent Dieu. Le sentiment de son absence ne correspond pas à une réelle absence, mais à un appel à approfondir la relation. Les mystiques de la Traditon chrétienne (et autres ) ont su merveilleusement nous l'expliquer. (2)

La création n'est rien d'autre qu'une relation à Dieu. Je n'existe que par elle, sans elle je tomberais dans le néant. Chercher à couper cette relation, ne la supprime pas, mais nous place dans une situation que la Bible à appelé la "chute" une coupure de l'arbre de Vie. La conséquence est une sorte d'exil de l'essentiel; une vie dans l'histoire (le temps et l'espace) qui est loin d'être un "Paradis terrestre". Situation qui n'est pas sans remède. L'évangile nous le donne; il nous dit comment retrouver les bienfaits de "l'arbre de Vie". Et, comme l'a si bien dit Saint Exupéry: "L'essentiel est invisible". Il n'en est probablement que plus beau !

Saurons-nous retrouver cette vérité du monde invisible ? Elle est déjà là, inscrite dans notre être. Saurons-nous retrouver ce qui nous libérera de notre solitude ? Saurons-nous retrouver ingénuement, mais sans crédulité, le "monde des anges" ? Saurons-nous réenchanter le monde ?

Quelques belles citations (mais faire un tri !) :

http://www.evene.fr/citations/mot.php?mot=solitude

http://www.dico-citations.com/l-amour-ce-versant-escarp-de-la-solitude-bobin-christian/

(1) Saint Augustin

(2) Saint Jean de la Croix, entre autres, décrit cette épreuve dans ses "nuits passives", où Dieu se cache, mais est d'une présence intense.

mercredi 15 avril 2009

Savoir ou croire

Connaître par l'exercice de l'intelligence, et connaître par la croyance. Voici deux niveaux de connaissance à ne pas confondre. Chacun doit être estimé, mais à sa place. Le "savoir", connaissance rationnelle, est souvent la seule considérée comme sérieuse. Que ferions-nous, sur cette terre, si nous ne savions rien avec certitude, sans la connaissance scientifique ?

Mais il n'y a pas que ce type de connaissance. Le "croire" a aussi son importance irremplaçable, même au seul plan humain. De grands savants ont déjà affirmé avoir cru à leurs intuitions sans être encore capables de les fonder rationnellement. Et cela les a conduits à chercher, à trouver et à prouver. Ce genre de foi, bien qu'un peu mystérieux, aboutit à une preuve. Il devient donc un savoir, et est accueilli favorablement.

Mais devant les grandes questions essentielles, concernant le sens de la vie, ou ce qui nous attend après la mort, il en va autrement. La raison se sent dépassée, incapable de donner sa réponse avec certitude. Tout au plus, elle peut formuler des hypothèses. Et pourtant, ces questions ne sont pas banales; elles ne peuvent pas être éludées, refoulées aux oubliettes. Un jour ou l'autre, elles réapparaissent. Comment y répondons-nous ?

Je ne veux pas essayer d'énumérer les différentes attitudes possibles devant ce questionnement. Nous sommes tous capables, au moins pour nous-mêmes, de voir comment nous y répondons. En avoir conscience me semble important. Nous savons bien qu'il n'y a pas, à strictement parler, de preuves concernant ces questions essentielles. Que l'on affirme que Dieu existe, ou qu'il n'existe pas, de toute façon, il s'agit d'une croyance. Pas de certitude mathématique ici. Ce qui laisse la place au doute. Sans le doute, la foi (la croyance) ne serait plus la foi, mais une certitude rationnelle. Je pense, qu'en matière religieuse, c'est une erreur de considérer le doute comme une faute, comme cela a déjà été dit.

Je suppose que ceux qui se disent athées, ressentent aussi leur doute dans leur négation de Dieu. Du moins si l'on se réfère aux publicités athées qu'on a vu, ces temps-ci, sur les autobus de Montréal: "Dieu n'existe probablement pas, alors profitez de la vie ...". Le "probablement" est honnête et significatif. Le doute est dans les deux sens, autant pour le croyant que pour l'athée. Mais, pour le croyant, le doute ne conduit pas à une négation, mais est une épreuve à surmonter avec les moyens que donne la foi.

On avancera quelquefois que la crainte de la mort et du néant, nous pousse à inventer une survie personnelle et éternelle en Dieu, afin de se libérer de la peur et de l'angoisse. Il est vrai que la foi, même éprouvante, éclaire et apaise. Mais la foi authentique n'est jamais perçue comme une invention, un "truc" pour s'autosuggestionner. Le croyant a conscience qu'il s'ouvre à une lumière d'en haut qui ne vient pas de lui. Il la reçoit comme un don, en s'aidant, entre autres, de la révélation des grandes traditions. Ainsi, même dans l'épreuve, la foi va se fortifier.

Consulter: http://prolib.net/pierre_bailleux/theologie/202.011.doute.gounelle.htm

dimanche 5 avril 2009

L'intrus doit disparaître !

"Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt il donne beaucoup de fruits " (1)

Tout le monde, ou presque, connaît cette citation évangélique. Et personne, ou presque, n'a envie de mourir. Mais est-ce vraiment nécessaire ? Et de quelle mort s'agit-il ? Car pour porter du fruit, il faut quand même être bien vivant ! Comment le grain portera-il du fruit s'il meurt vraiment ? Un germe de vie doit demeurer !

Je me souviens d'une de mes expériences d'apprenti jardinier : après avoir semé des pommes de terre jaunes du Yukon, malgré mes bons soins, rien n'avait poussé. J'ai appris que, pour une meilleure conservation, on avait simplement tué le germe par irradiation. Ce que j'avais mis en terre était pour la consommation, et non pour la semence. Pas de chances !

En nous, il y a aussi un germe, mais un germe spirituel de vie éternelle. Pour qu'il fructifie, il faut aussi une certaine mort; mais laquelle ? Probablement pas la mort physique qui ne dépend pas de notre consentement. Mais de la mort de ce qu'on a appelé : l'ego. Non l'ego qui nous structure et nous permet de nous affirmer en tant que personne, mais bien plutôt d'une excroissance de cet ego. Nous le construisons et il vient se greffer sur l'autre comme un intrus. C'est lui qui rend "égoïste", et résiste, s'oppose à la germination spirituelle.

Petit à petit l'intrus doit s'effacer, (2) céder sa place dominante, ne plus toujours pousser à la performance et à la gloire personnelle. C'est lui qui doit s'éroder et mourir. À la disparition complète de ce prétentieux, une forme nouvelle d'humilité s'instaure, et le vrai "Je", enfin libéré (3), se laisse conduire par un souffle intérieur appelé, dans le christianisme, Esprit-Saint.

Ces images d'intrus, de germe, d'érosion, m'aident à mieux saisir le processus de transformation de notre être. Nous sommes ainsi menés vers la transcendance où notre bien propre ne se distingue plus du bien de tous; où notre joie ne se distingue plus de la joie des autres. Mais cette transcendance n'efface pas le vrai "Je". Au contraire elle nous insère comme personne distincte dans un Corps mystique, ou les produits de l' intrus (égoïsme, orgueil, rivalité, haine, etc) ne peuvent plus survivre. Les membres demeurent en pures relations.

(1) Jean 12, 34
(2) C'est dans l'enseignement oriental, spécialement avec Arnaud Desjardins, que j'ai puisé cette image de l'intrus. Je trouve qu'elle convient ici. Bien que, dans le cas du Christ, parfaitement libre, cette notion d'intrus ne peut pas s'appliquer à lui-même. Entré dans la mort volontairement, il est devenu cause efficiente de notre propre libération.
(3) Libération appelée "réalisation" par la sagesse hindoue