vendredi 29 février 2008

Correction

Corriger: rectifier une erreur, un défaut de quelque chose. En soi, une action positive ! Mais quand la correction s'applique à quelqu'un, surtout si elle prend la forme d'une punition, elle peut avoir un effet désastreux. Je vais essayer d'éclaircir un peu ma pensée, et prendre le risque de me faire corriger !

Après le 11 septembre 2001, un président a voulu supprimer "l'axe du mal", sans tenir compte de l'ONU ni de l'opinion mondiale. À moins que mon regard soit faussé, nous pouvons en voir aujourd'hui les conséquences désastreuses. Pourtant, combattre le terrorisme, n'est-ce pas une bonne chose ? On est toujours convaincu, quand on corrige, que c'est pour le bien. Au moins pour le nôtre ! Mais il s'agit ici de décisions politiques d'envergure, toujours difficiles et compliquées.

Nous avons plus souvent l'occasion d'intervenir au niveau interpersonnel. Quand quelque chose semble devoir être "corrigé", vaut-il mieux ne rien dire, et laisser faire ? Se taire peut, me semble-t-il, être quelquefois une bonne attitude. Le silence est éloquent quand il est senti comme une réprobation, ou le refus d'un dialogue inutile. "Rien de plus dérangeant, que de renvoyer l'autre à sa conscience, façon de lui dire: tu sais bien que tu as tort, inutile pour moi de te parler". (1) Nous savons que lorsqu'une réprimande doit s'accomplir sous l'effet de l'émotion, il vaut sans doute mieux ne pas la faire ou la différer. En voulant corriger, on peut aussi s'entendre dire: "Qui es-tu pour me faire la morale ? Réaction qui n'est pas toujours dépourvue de bon sens. Elle nous invite à nous examiner et à voir nos motivations.

Mais il y a encore autre chose. Nos racines sont malades; elles doivent être guéries. Et nous ne savons pas toujours où se trouve le mal. En nous, le bien et le mal sont mélangés (le bon grain et la mauvaise herbe). Dans l'évangile, le Christ nous dit de les laisser croître ensemble. En voulant arracher la mauvaise herbe (l'ivraie), on risque d'enlever en même temps le bon grain. Il faudrait d'ailleurs être capable de discerner l'un de l'autre. Plus tard, se fera le vrai discernement qui ne viendra pas de nous-mêmes. Nos yeux s'ouvriront.

En attendant, il faut bien savoir s'accomoder du mélange du bien et du mal, et le supporter patiemment. Trouver aussi notre façon personnelle de le corriger efficacement. Je ne risque pas de me tromper beaucoup en commençant par moi-même. Pour aujourd'hui, ma réflexion incomplète n'ira pas plus loin !

(1) Yves Girard

jeudi 21 février 2008

Faut-il y penser ?

"J'ai beau essayer de chasser de mon esprit que c'est la fin de mon existence, la pensée de ma mort revient sans cesse. Et cela me rend triste de penser que je ne reverrai plus jamais tous ceux que j'aime ... Je m'efforce de vivre quand même en y pensant le moins possible."

Voici les paroles d'un ami attristé de sa fin qu'il sent proche. À travers son inquiétude, je sens aussi la mienne et celle de beaucoup d'autres. Je me souviens aussi de cette phrase de Voltaire que je crois avoir déjà citée : " Il ne faut jamais penser à la mort, cela ne peut qu'empoisonner notre vie !"

Je ne l'approuve pas. S'efforcer de chasser de son esprit une pensée qui revient sans cesse n'est pas une bonne solution. Mieux vaut s'y attarder plus à fond. Les psys nous enseignent que, face à un problème récurrent, il n'est pas bon de le refouler, sinon il va toujours resurgir malgré nous. Mais je vais me mettre d'accord avec Voltaire en citant une autre de ses pensées, beaucoup plus célèbre : "L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer que cette horloge existe, et n'ait point d'horloger ! "

Bon point de départ qui peut nous mener plus loin, mais n'a pas suffit cependant pour rassurer son auteur. Pourquoi l'univers l'embarrasse ? La vue de l'univers ne peut-elle pas nous aider à nous élever plus haut ? Elle a au moins aidé Voltaire à soupçonner l'existence d'un grand Horloger. Mais on peut en savoir davantage ! L'évangile nous en dit beaucoup plus sur cet Horloger créateur. Nous y apprenons ce que nous n'aurions pas pu apprendre autrement. Seule la révélation pouvait nous dire quelque chose d'intéressant sur la nature et le coeur de l'Horloger. À consulter, pour apaiser notre crainte de la mort !

Il y a aussi de nombreux auteurs ou sites sur Internet qui nous en parlent. Parmi toute cette littérature, et opinions exprimées, il y a certainement un choix à faire pour nous aider à fonder nos convictions. À chacun d'en juger. Mais sur l'Horloger voici quelques témoignages d'illustres savants. Cliquez sur le lien suivant:

http://www.christicity.com/bibliotheque/aux_origines/lexistence_de_dieu/temoignages_de_quelques_savants_sur_dieu.asp

jeudi 14 février 2008

Le plus petit domaine

"Combien fécond le plus petit domaine, quand on sait bien le cultiver" (Goethe)


Mon père avait ce savoir faire: avec quelques mètres carrés de bonne terre, il nous fournissait en légumes de toutes sortes.
(Ci-dessus: mon père et mon fils Daniel, en 1979)

J'ai découvert, par hasard, cette sentence de Goethe. J'ignore, hors contexte, le sens qu'il voulait y donner. S'agit-il de l'art de cultiver un jardinet pour lui faire rendre son maximun ?

Je serais étonné que ce grand poète allemand n'ait pas voulu en dire plus. Car "domaine" ici, peut signifier bien des choses. Au delà du lopin de terre, on peut y voir la culture de nos "petits" talents. En y travaillant intelligemment et avec persévérance, on finit par aboutir à une réelle fécondité. Sur ma méthode flûte, dès la première page, on peut lire: "Vous désirez bien jouer ? C'est une simple question de temps, de patience, et de travail intelligent" Réflexion encourageante pour ceux qui ne se sentent pas surdoués ! Et transposable en bien d'autres domaines.

Ces petits talents, insoupçonnés ou presque inexistants, sont généralement plus difficiles à cultiver que nos talents naturels évidents. Ceux-ci se développent rapidement et sans grand mérite. C'est peut-être ce que veut dire le proverbe africain: "Ramer dans le sens du courant, fait rire les crocodiles". Les moqueurs ! Ramer à contre courant les ferait sans doute applaudir.

Il y a aussi en nous d'autres petits domaines. Petits, pas en importance, mais parce que souvent ignorés, comme des personnes sans instruction, mais intelligentes et efficaces. Nous pouvons les découvrir sur le tard, après avoir travaillé longuement à développer d'autres talents socialement plus rentables: pratique d'un sport, habileté professionnelle, etc. Ainsi sur le plan de l'être, et non de l'avoir, ces petits domaines négligés, endormis, deviennent très importants. Tellement, qu'une fois éveillés, ils prennent toute la place. Le reste devient alors secondaire et perd son ancien prestige.

Ainsi en est-il de notre relation avec le monde d'en haut. Il est d'ailleurs tout autant d'en bas, mais nos symboles aiment le placer en altitude, au ciel; comme pour nous signifier qu'il n'y a pas que les choses de la terre. "Recherchez donc les réalités d'en haut" dira Saint Paul (1). Un peu paradoxalement, il se trouve qu'en recherchant les réalités d'en haut, celles d'en bas prennent du relief, tout en nous faisant sentir leur valeur relative. Elles passent !

La liturgie chrétienne nous fait dire: "Élevons notre coeur !" Au dessus du ciel visible, la cosmologie des anciens plaçaient un ciel invisible: "Les cieux des cieux", domaine de Dieu, tandis que la terre était celui des hommes. L'évangile compare le royaume des cieux à une toute petite graine à cultiver, une graine de sénevé (moutarde). En poussant, elle devient un très grand arbre, et les oiseaux viennent se percher sur ses branches. (2) Cette semence et sa croissance, nous sont données par un Autre. Mais il nous appartient de cultiver le terrain, le "petit domaine". "Quand on sait bien le cultiver", avec du temps, de la patience et un travail intelligent, "combien fécond"peut-il devenir.

(1) Épitre aux Colossiens 3, 1-2
(2) Évangile de Matthieu 13, 31-32

jeudi 7 février 2008

Est-ce que je m'aime ?

Tant de gens en doutent aujourd'hui. La vie vaut-elle la peine d'être vécue dans la haine de soi et des autres ? Sur une terre qu'on détériore et qui laisse présager un avenir pessimiste ? S'aimer soi-même, qu'est-ce que cela signifie ? En général, on ne sait pas trop quoi répondre. Des psychologues disent que la plupart des gens ne s'aiment pas. Ont-ils raison ? Que doivent donc faire ceux qui pensent ne pas s'aimer ?

Dans le christianisme on trouve un commandement: celui d'aimer Dieu et d'aimer les autres comme soi-même (1). Si je sais bien compter, ça en ferait donc trois à aimer: Dieu, les autres et moi ! Et j'oserais ajouter, Gaia, la terre mère ! (2) Mais oublions ces calculs. L'amour est un . Tout se passe dans cette unité indivisible.

L'amour de soi semble bien important pour aimer tous les autres. En tant qu'êtres humains nous avons tous, en commun, quelque chose d'essentiel. C'est surtout cet être essentiel commun qui mérite d'être aimé. Grâce à lui, d'une certaine façon, je me retrouve dans les autres. Et vice versa.

Si je me déteste (entendons-nous, si je déteste mon être essentiel, et non tel ou tel défaut), je n'ai plus de raisons d'aimer les autres qui, eux aussi, deviennent aussi détestables que moi. Ils sont construit de la même argile et par le même potier. Une certaine ascèse chrétienne a beaucoup insisté sur l'amour de Dieu et des autres, mais a un peu atténué l'amour de soi. Il fallait combattre l'égoisme, la recherche de son propre bien au profit de celui des autres. La spiritualité moderne s'ajuste davantage à la réalité de la nature humaine, un peu mieux connue.

La question "faut-il s'aimer" est ambigue. Mieux vaudrait dire: Comment bien s'aimer ? Car en fait, ou bien on s'aime trop, c'est-à-dire on s'aime mal (ce qui revient à dire qu'on ne s'aime pas). Ou bien on se déteste (c'est-à-dire on voudrait être autrement). Ce qui n'est pas un mal, si je refuse en moi ce qui est détestable: mes dépendances, les haines qui empoisonnent ma vie, etc.

Tout comme "le Beau, le Vrai, le Bien", il n'y a pas d'excès dans l'amour. Seulement des déviations. Je ne mange pas n'importe quoi, j'accepte une discipline alimentaire parce que je m'aime. Je fais partie de la terre mère et je m'aime en la respectant. Ainsi, ne dois-je pas aussi, par amour de moi (et de Dieu et des autres, en conséquence de l'unité de l'amour) me soumettre à une discipline spirituelle ? Pour cela, il me faudra être éveillé à ce que je suis, à ce que je fais. En être conscient.

En vue de favoriser cet éveil, il existe, parmi d'autres, une discipline éprouvée dans l'Inde traditionnelle, et qu'on appelle le yoga de l'action (Karma yoga), répandu en Europe depuis longtemps déjà. Sans vouloir en faire la promotion, il contient des éléments intéressants pour notre sujet.
( http://www.yogasatyananda-france.net/pages/fr/karma-yoga.php )

La sagesse orientale a beaucoup à nous apprendre. Je souhaite qu'elle se garde vivante dans l'Inde moderne où elle s'est développée et conservée. Elle est tout à fait compatible avec le progrès économique, social et écologique. Et devrait même le favoriser. Un élément intéressant du Karma yoga consiste à se voir agir, un peu comme on voit les autres agir. Je m'explique: quand j'accomplis une action, je ne dois pas être totalement absorbé par cette action, ce qui me ferait perdre la conscience de moi-même. Je dois prendre une distance par rapport à mon action, et me regarder en train d'agir. Il ne s'agit pas de "nombrilisme", mais je deviens ainsi le témoin conscient de mes action, en accord avec une dimension infinie, qui me dépasse et dont je dépends: la "conscience cosmique". Elle nous élargit infiniment et nous sort de notre cercle étroit. Dans le christianisme, ce n'est pas tout le monde qui aime cette expression. Elle paraît un peu ésotérique et impersonnelle. Je la trouve très belle, et rien ne m'empêche de la personnaliser. C'est d'ailleurs le rôle de l'Esprit "qui remplit tout" d'élever à cette dimension universelle.

Revenons au rôle fondamental du "témoin" qui me permet de me voir en train d'agir. Cela suppose un petit exercice, inséré dans nos activités ordinaires de le vie quotidienne. L'effort demandé peut paraître difficile dans les premières tentatives. Il s'agit en fait d'une division de l'attention : d'une part, l'attention se porte sur ce que je fais; d'autre part, sur moi agissant. Avec un peu d'entraînement, cela se fait bien. Je suis donc ainsi le témoin de mes actes, non plus absorbé par eux. Je deviens plus éveillé, conscient de ce que je fais et, en même temps, capable de surveiller les manifestations mentales qui accompagnent mon action et mes relation. (3)

Nous retrouvons souvent cette idée, en spiritualité, que nous sommes endormis. L'évangile lui-même nous demande de veiller, de ne pas dormir (4). Ordinairement, cela signifie: Se tenir prêt, être vigilant face à l'adversaire, ou encore "attendre le retour du Seigneur". Mais cette attitude du témoin n'est pas exclue. Elle peut transformer la vision que j'ai de moi-même. Je ne peux plus ne pas m'aimer.

Nous méritons d'être aimé non seulement par les autres, mais aussi par nous-mêmes; tout simplement à cause de notre propre dignité d'être humain, doué d'intelligence et de liberté, créé à l'image de Dieu. Si je ne prends pas conscience de ma dignité: qui suis-je ? d'où je viens ? à quoi suis-je appelé ? comment puis-je aimer vraiment ceux et celles qui, indépendamment de leurs fonctions ou de leurs vertus, ont la même dignité que moi ? Le Père du Ciel ne fait-il pas "briller son soleil sur les bons et sur les méchants" (5).

Cet article se retrouve sur Natura Vox: http://www.naturavox.fr/article.php3?id_article=3194

(1) Évangile de Matthieu 22, 37-39
(2) Éprimé implicitement dans l'épitre aux Romains 8, 19 et 22
(3) P.D. Ouspenski, dans "Fragment d'un enseignement inconnu", appelle cette pratique (à la suite de Gurdjieff) le "rappel de soi". Paris, 1950
(4) Évangile de Matthieu 25, 13; 26, 41; Évangile de Luc 21, 34-36. etc.
(5) Évangile de Matthieu 5, 45