mercredi 26 août 2009

Des cadeaux ...

Après avoir été, peut-être, un peu trop dogmatique dans mon précédent message sur l'Assomption, j'éprouve maintenant le besoin de revenir sur terre, à des choses plus concrètes. Une belle citation m'en donnera l'occasion. La voici : "Les personnes deviennent des cadeaux quand je n'ai plus d'attentes face à elles. Comme cela change les relations". (1)

Voilà, à mon avis, une excellente règle de conduite : ne plus avoir d'attentes ! Est-ce réaliste ? Essayons de voir ce que cela implique. Ce n'est pas de l'indifférence, loin de là ! Ne pas avoir d'attentes ne supprime pas le désir du bien le meilleur de celui ou celle envers qui je n'attends rien. Mais, simplement, je n'impose pas, même mentalement, sans l'exprimer, la forme de bien qui me semble convenir pour cette personne.

Alors elle se sent libre de toute emprise. Elle peut devenir elle-même sans avoir à se défendre d'une intervention étrangère qui chercherait à l'orienter. Une telle liberté n'est pas un "après tout, tu peux bien faire ce que tu veux ...". Elle s'exerce dans un dialogue constructif, dans une écoute active. J'écoute, je comprends, et je m'applique à refléter sa pensée. Si mon reflet n'est pas bon, elle me corrige. Ainsi, nous précisons les choses et nous avançons ensemble.

Ce genre de dialogue ne se limite pas seulement à une simple conversation bien menée. Elle est aussi, et surtout, un style d'être ensemble qui doit aboutir à un changement et au respect d'une destinée que j'ignore. Mais, tout en l'ignorant, je peux la vouloir profondément. Alors, se sentant accueilli tel qu'il est, l'autre peut devenir pour moi un cadeau. Et réciproquement.

Si la relation était plutôt difficile, en perpétuel affrontement, ou encore en voie de rupture, voici que les obstacles qui troublaient la relation progressivement disparaissent. Un climat de liberté s'instaure et procure le bonheur de l'échange. C'est ainsi que nous devenons des "cadeaux" l'un pour l'autre.

"Qu'il est bon, qu'il est doux, pour des frères d'habiter ensemble" dit le psaume. Est-ce trop idéaliste ? Ce bonheur est reçu, mais il est aussi une conquête. Les bons vieux moralistes d'autrefois disaient que le bonheur est une vertu. Ils n'avaient pas tort, car l'accès au bonheur n'est pas sans moments difficiles. Dans le cas d'une relation, je peux souffrir de voir l'autre prendre une orientation dont je ne vois pas l'aboutissement. Et je veux respecter son propre cheminement. Suis-je vraiment sans attentes ? C'est quelquefois difficile de respecter les délais.

Cette "bonté" et cette "douceur" dont parle le psaume, elle sont toujours disponibles dans le fait "d'habiter ensemble". Mais soyons réalistes ! Une souffrance inévitable va cohabiter aussi. Je ne peux la surmonter qu'en remettant les personnes, les "frères", à une Intelligence que je sais aimante et agissante en elles : celle de la grande Vie. Elle n'est ni un hasard, ni un abandon à nous-mêmes. En réalité le changement peut être plus ardu qu'on ne le pense. Car il y a des résistances des deux côtés de la relation. Le temps peut les vaincre. Mais j'ai à porter les lenteurs des progrès. Les miens d'abord; puis ceux de l'autre.

Tout cela paraît évidemment dans le non verbal. J'ai l'air anxieux quelquefois. L'attitude intérieure n'est pas encore ce qu'elle devrait être. Voilà, sans doute, ce qui fait partie de l'emballage du cadeau. L'essentiel est encore enveloppé dans des artifices qui essaient de cacher ce qui n'est pas encore guéri. Mais, après tout, la Vie, la grande, ne nous est-elle pas donnée pour se laisser transformer ?

(1) Yves Girard, dans "Aubes et Lumières" p. 148.

mardi 18 août 2009

Élevée dans les cieux

On m'a dernièrement posé la question : Que signifie l'Assomption de Marie dans le Ciel ? Un peu surpris, je n'ai su que bredouiller une réponse insatisfaisante. Je vais essayer ici d'en donner une un peu plus réfléchie, en m'adressant à l'éventuel inconnu qui se poserait la même question.

La France, pourtant si laïque, a fait de la fête de l'Assomption un jour officiel de congé. En plein coeur de l'été, ça ne se refuse pas ! Mais les jeunes générations ne savent probablement pas trop pourquoi. Pris dans le contexte social de notre époque, je peux les comprendre.

L'Église catholique définit ainsi la fête de l'Assomption : "Au terme de sa vie terrestre, l'Immaculée Mère de Dieu a été élevée, en son corps et en son âme, à la gloire du ciel ". Je ne présumerai pas que tout le monde sait ce que signifie " L'Immaculée Mère de Dieu ". Bien sûr, personne n'ignore qu'immaculé veut dire sans tache. Mais appliqué à Marie, Mère de Jésus, comment comprendre cela ? Et comment l'expliquer sans entrer en de longues et fastidieuses explications théologiques ?

Pour faire court, disons que " L'immaculée Mère de Dieu" signifie que cette Femme n'a pas été marquée par ce qui, en nous, est cause de l'orgueil, de la haine, de la jalousie, de l'égoïsme, etc. En gros, de tout ce qui, sur la terre, est spirituellement à l'origine du mal et de la mort (péché originel). De cela, son Fils Jésus, Fils de Dieu incarné en elle, (par une conception virginale) est venu nous guérir. D'où l'expression : Sauveur.

Cette absence de tache, ou "pureté", a valu à Marie d'être préservée de la corruption de la mort (dans son cas, appelée aussi "dormition"chez les orientaux). Donc, comme le Christ après sa résurrection, elle sera, elle aussi, élevée au "ciel", dans le Royaume de son Fils, avec son corps et son âme. C'est cela l'Assomption de Marie. Ces choses ne sont pas dites explicitement dans l'évangile, mais sont la conclusion de la réflexion théologique, en même temps que la croyance populaire depuis bien des siècles.

Le concile Vatican II, en 1964, a pu dire d'elle : " La Vierge Immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l'univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort "
Voilà ce que j'aurais voulu dire à la personne qui m'a posé la question. Courte explication pour une si grande chose. Pour en savoir plus, un clic sur le lien suivant, en dira davantage:

http://catholique-nanterre.cef.fr/faq/fetes_assomption_sens.htm

dimanche 9 août 2009

Un oiseau sans ailes

Sans ailes, est-ce encore un oiseau ? Il pourra marcher, picorer, chanter, mais l'essentiel, il l'a perdu. Il ne peut plus voler. Voilà qui pourrait illustrer notre vie si nous perdons notre dimension spirituelle. L'essentiel de notre être est mis au rancart !

Comme l'oiseau sans ailes, nous pouvons encore manger, boire, dormir, travailler, et fonctionner plus ou moins normalement dans le monde mais, ne pouvant nous élever au-dessus des réalités quotidiennes, absorbés par elles, nous restons collés au sol. Avec l'habitude d'une telle situation, nous finissons par oublier que nous pourrions voler. Nos ailes, virtuellement présentes, mais inutilisées et affaiblies, nous les ignorons. Nous cherchons alors à satisfaire nos nombreux désirs au ras du sol. Bien vite nous serons de nouveau assoiffés et insatisfaits. "Tu nous a fait pour toi, mon Dieu, et notre coeur est inquiet tant qu'il ne repose pas en toi". C'est St Augustin qui parle. Lui aussi a longtemps cherché ailleurs. Il sait ce qu'il dit.

L'être humain a comme trois dimensions. Un peu à l'image des trois poupées russes qui s'emboîtent les unes dans les autres: la moyenne dans la grande, et la petite dans la moyenne.
1. La grande : notre corps physique. Il est appelé à passer par la mort.
2. La moyenne : notre psychisme ou âme psychique. (vie affective, etc.)
3. La petite : notre être essentiel ou âme spirituelle.

Malheureusement, on considère souvent que l'être humain n'est qu'un corps et un psychisme. Voilà qui mutile passablement notre être. Il est tronqué. Il lui manque l'essentiel : ses ailes, son âme spirituelle. Cette troisième dimension, la petite poupée, petite par sa taille, n'est pas la moindre en importance. Elle nous permet de nous relier aux choses d'en haut, sorte d'ouverture sur l'infini et l'éternité du divin. C'est la foi, la confiance, qui l'active. Elle donne la possibilité de prier, de parler à Dieu, de lui dire nos souffrances et nos joies, de le remercier du don de la vie et de nous donner l'espérance de celle qui ne finit pas. Il y a là de quoi voler, mais tout en gardant fermement les pieds sur la terre, en sachant pourquoi on y est, ce qu'on doit y faire, et ce qui nous attend après. Toutes les joies terrestres pourraient être amplifiées en étant déjà colorées par celles du ciel.

Tant de gens, même en sachant rire, sont foncièrement tristes, ne sachant pas vers quoi ils marchent. Il faut aller au-delà de l'absurde pour trouver la vraie joie. Généralement, ce ne sont pas nos humoristes qui vont nous la donner. Elle nous permet de mieux passer à travers les épreuves qui peuvent nous accabler. Et puis, si nous croyons ce que dit St Paul : "Tout sert au bien de ceux qui aiment Dieu", nous avons là de quoi supporter plus allégrement bien des peines.
N'oublions pas cette conception tripartite des anciens. Elle n'a pas changée : corps; âme psychique; et âme spirituelle. La dernière étant les ailes. On dira encore, plus savamment : Soma, psyché, et pneuma (ou souffle, esprit). On peut retrouver cette anthropologie sous des termes différents. Vérifions donc bien si nous avons gardé vivante, la petite poupée, la plus intérieure !

samedi 1 août 2009

Un bout de lumière

Je viens de lire une citation de Louis-Ferdinand Céline : "La vie, c'est un bout de lumière qui finit dans la nuit. " J'ignore la pensée profonde de l'auteur, mais j'ai plutôt envie de dire exactement le contraire : La vie, c'est un bout de chemin dans la pénombre qui finit dans la lumière".

Dès la naissance, nous sommes déjà habités par l'espérance de l'éternité, lumière qui ne s'éteint pas. Déjà des lueurs d'éternité illuminent l'enfance. Espérance qui peut longtemps sembler dormir. Un rien peut la réveiller : un coucher de soleil, une parole d'amour, une fleur, une musique, une prière ou un chant d'oiseau. Alors la pénombre de la vie et la pleine lumière se rapprochent. On a déjà, dans cette semi-obscurité, ce qu'on attend en plénitude.

L'enfance et la vieillesse, qui nous semblent si différentes, se ressemblent et coexistent, en attendant que la distinction disparaisse dans la pleine lumière finale. L'âge n'existant plus, une fois sortis de l'emprise du temps. Mais tant que les âges se distinguent, l'exception peut se faire sentir, comme un poète pouvait d'ailleurs l'écrire : "La foudre du vieil âge atteint l'enfance au beau milieu de ses jeux" (1). Au milieu du déclin de la vieillesse, l'enfant est encore là; et le vieillard est déjà présent dans le nouveau né.

Pourquoi dire que la vie "finit dans la nuit" ? La lumière du soleil et celle de la raison peuvent bien s'éteindre, mais qu'importe, quand elles sont remplacées par celle qui ne s'éteint pas !

Je ne sais pas trop ce que vous vouliez dire, monsieur Louis-Ferdinand Céline. Dans une citation, on ne peut tout voir. Vous n'êtes plus de ce monde, mais peut-être saviez-vous tout cela ...

(1) Christian Bobin, dans "Le huitième jour de la semaine" p. 38