dimanche 29 avril 2007

L'énigme de l'être humain et notre origine (suite 2)

Nous avons vu, avec François Varillon, que l'homme avait une origine terrestre. Personne ne la nie. La science la confirme. Cette origine explique sa dissemblance d'avec son Créateur. Il ressentira en lui une force de pesanteur et d'inertie qui l'invite à renoncer à être un être libre et le pousse à vivre comme les autres créatures, c'est-à-dire selon leur instinct. Mais cette force de pesanteur n'est pas la seule. IL y en a une autre, contraire, qui fera la spécificité de l'être humain: "une force ascensionnelle qui l'invite à construire sa liberté" (1)

K. G. Durckheim (2) parlera, lui, d'une double origine de l'homme: l'une céleste (surnaturelle), l'autre terrestre (naturelle). Très intéressant, mais la céleste n'est pas toujours très bien acceptée. On se bute à des réticences de la part de certains car, dit-on, on fait appel ici à la croyance ou aux convictions. Ce qui est mal reçu du côté scientifique. On a du mal à reconnaître que la réalité dans laquelle nous vivons (et par laquelle nous vivons !) "transcende celle où l'homme naturel se perçoit et se meut. Le principe de la double origine humaine exprime avec une simplicité et une clarté parfaites ce qui est, et ce que l'homme est appelé à savoir. Privé de sa vie intérieure, celle selon laquelle il doit vivre, il est malade, triste ou méchant ... L'origine infinie se trouve rejetée dans l'ombre...". (3)

Entre ces deux origines et ces deux forces, une de pesanteur qui le tire vers le bas, et l'autre ascensionnelle, nous sommes donc pas mal tiraillés. Situation peu confortable que nous expérimentons en ce monde, et qui est notre lot quotidien. "Le premier homme n'était pas, somme toute, dans une condition différente de la nôtre. Il est vain de chercher à se représenter ce qu'à pu être sa faute ... La faute, c'est l'obéissance à la force de pesanteur ... On ne peut être vraiment homme qu'en choisissant Dieu pour centre. Le péché originel, c'est l'homme ... qui choisit de se réaliser lui-même en se bouchant les oreilles pour ne pas entendre l'appel de Dieu à se créer lui-même. C'est l'homme qui choisit la servitude facile plutôt que la dure exigence de liberté ... Il ne s'agit pas d'une origine chronologique, mais il s'agit de l'origine de la nature humaine, de la racine même de l'existence. C'est pourquoi le péché originel est impensable indépendamment de la vocation de l'homme à être divinisé ... Le péché originel est la distance incommensurable entre ce qu'est l'homme livré à lui-même et ce qu'il doit être en vivant de vie divine". (2)

On pourrait trouver tout ceci un peu trop "mystique", au sens péjoratif du mot. Qu'on le prenne comme synonyme de "peu sérieux", ou encore comme un privilège réservé à un petit nombre, n'empêche que c'est cela la réalité vécue par ceux ou celles qui ont le courage de la vivre jusqu'au bout, et qui en cela, répondent à un appel d'en-haut. Ils sont "lumière qu'on ne doit pas mettre sous le boisseau" et "sel de la terre".

Selon K. G. Durckheim, l'homme ne se réduit pas "à ses cinq sens, sa raison, son appartenance à une communauté et sa fidélité aux valeurs et à l'ordre existentiels. Au-delà, commence le 'transcendant' qui est du domaine de la foi ..." Il ajoutera même, que "la transcendance qui nous habite ne se situe pas sur le seul plan de la foi, ou de la croyance. Elle entre dans le domaine de l'expérience et devient connaissance". Et là, Durckheim propose des pratiques de sagesse, corporelles mais liées aux spirituelles, qui permettent à chacun de se réorienter vers son "être essentiel". Il ne les invente pas. Mais ayant vécu longtemps au Japon, il dégage de ces pratiques ce qu'il y a d'universel dans la sagesse orientale, spécialement dans le bouddhisme zen. Ce n'est sans doute pas la seule façon d'expérimenter la transcendance, mais celle-ci vaut la peine d'être considérée. Tous les grands mystiques nous apportent un éclairage intéressant à ce sujet. C'est pour eux du vécu !

(1) François Varillon, op. cité dans le précédent texte.
(2) Cf. sur ce blogue: "Au-delà de l'absurde", au 1 août 2006.
(3) Cf. K. G. Durckheim, "L'homme et sa double origine" Albin Michel, (spiritualités vivantes).

vendredi 27 avril 2007

L'énigme de l'être humain et notre origine (partie 1)

Ils sont encore nombreux ceux qui, comme moi, ont entendu parler du "péché originel" et qui, comme moi encore, ont eu de la difficulté à le comprendre. Avec l'aide de certains théologiens (1) je vais essayer ici de pénétrer davantage cette notion. Le fait de l'écrire m'aide d'ailleurs à progresser et à fixer les idées qui apparaissent. Quand je dis "les idées qui apparaissent", c'est que, en effet, au fur et à mesure qu'on s'élève avec d'autres, comme en cordée, on voit un point de vue plus panoramique, on distingue des choses nouvelles. Elles "apparaissent" alors qu'on ne les soupçonnait même pas. En même temps, cette démarche peut aussi aider d'autres personnes à approfondir ce sujet. D'autant plus que, quiconque le désire, peut communiquer sa pensée, soit en écrivant un commentaire à la fin de ce texte, ou encore, en envoyant un courrier électronique (milichamp@sympatico.ca)

Je suppose qu'un lecteur éventuel de cette réflexion, a déjà une certaine connaissance de l'Écriture sainte, et du christianisme en général, sinon il pourrait avoir de la difficulté à tout saisir. (Mais, il n'est jamais trop tard, pour acquérir les prérequis !). Je monte donc un premier échelon avec l'aide de notre théologien, qui est aussi, je n'en ai aucun doute, un homme de Dieu.
"L'histoire d'Adam qui nous est racontée est aussi notre histoire à nous: le péché d'Adam est notre péché ... Le récit nous dit qu'Adam a été créé dans un état de sainteté et de justice. Faut-il le concevoir comme un homme d'une intelligence et d'une liberté parfaites, une espèce de surhomme par rapport aux hommes que nous connaissons ? Cela ne correspond pas du tout à la description que la science actuelle nous donne des premiers hommes émergeant lentement de l'animalité. Il n'est pas du tout nécessaire d'imaginer, au début de l'humanité (c'est-à-dire il y a deux ou trois millions d'années) un surhomme; et je pense pour ma part, qu'il est préférable d'éviter cette imagination".

Voilà qui nous libère des fausses questions qu'on peut se poser et qui nous embourbent inutilement. Laissons la science se mêler de ces choses là, c'est son travail. Montons un autre échelon, en essayant de voir où la bible veut nous conduire, c'est-à-dire à quelle fin le Créateur a ordonné sa créature:
"La perfection du premier homme, c'est qu'il n'est pas comme les autres êtres de la nature, animaux ou végétaux, mais qu'il est appelé par Dieu, dès l'origine, à une fin proprement divine ... à partager éternellement la vie même de Dieu ... il a à devenir ce qu'il doit être. Autrement dit, la perfection de l'homme est la perfection d'une vocation et non pas d'une situation ... Il est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu". (Gn. 1, 26)

Nous avons à devenir ce que nous devons être. en collaborant à notre devenir. Contrairement à la fleur, ou au chat qui, eux, de par leur naissance sont orientés immanquablement vers ce qu'ils doivent être. Si je plante un rosier, et que je lui donne les conditions normales de croissance (eau, air, fumier, lumière, etc.) il ne peut pas rater son être de rosier. Il réalise inévitablement sa vocation. Même chose pour l'animal. Mais pas pour l'homme. Ainsi:
"Dieu donne à l'homme la capacité de devenir parfait, car il veut que l'homme soit parfait à son image ... Dieu a crée l'homme capable de se créer lui-même. C'est pourquoi je n'aime pas l'expression: Dieu à créé l'homme libre, car il y a deux erreurs: on met la création au passé et l'on a le sentiment que la liberté est un cadeau, une sorte de tout-fait, alors que la liberté est essentiellement le contraire d'une chose toute faite. La liberté n'est liberté que si on la crée soi-même".

La perfection d'Adam, tout comme la nôtre, n'est donc que le début d'une histoire de perfection". Le terme, point d'arrivée, va très loin. Ce n'est rien de moins que "devenir Dieu". Incroyable, si ce n'était ce que la révélation nous affirme dans les textes sacrés. L'homme est donc un être divinisable. Aucune science humaine n'a osé dire cela. Il s'agit bien d'une vocation. Mais voilà :
"L'homme ne peut pas se diviniser tout seul, il faut qu'il accueille le don de Dieu, car c'est Dieu qui divinise. Ce n'est pas l'homme par lui-même qui va franchir l'abîme infini qu'il y a entre Dieu et lui, parce que son origine est terrestre, ses racines sont cosmiques. Il est "terreux". Peu importe la façon dont vous concevez cette origine terrestre, que ce soit, comme dit la Genèse, en étant tiré directement de la terre, ou que ce soit, comme on l'admet couramment aujourd'hui, par l'intermédiaire de nombreuses échelles animales".

Tout ceci me donne envie de rappeler (car je crois l'avoir déjà dit) que l'être humain est beaucoup plus, infiniment plus, qu'un corps et un psychisme. Il est appelé à être divinisé. Comme le disait K.G. Durchkeim (2): "La vie humaine n'est rien d'autre que de devenir le témoin du divin (de la transcendance) dans l'existence"

Nous continuerons de monter les échelons avec François Varillon. Et peut-être que, de plus haut, nous apercevrons d'autres belles choses sur notre être et sa destinée. A suivre !

(1) François Varillon. Voir spécialement "Joie de vivre, joie de croire" (Centurion)
(2) Cf. sur ce blogue, "Quel est le sens de la vie ?" au 27 mai 2006.






mardi 17 avril 2007

Les enfants devant la mort

Je viens de lire un article: "La mort expliquée aux enfants". À la suite d'une étude sur le sujet, on montre la perplexité des parents devant les questions, plutôt embarrassantes, d'un enfant lors du décès d'un proche.

Les parents se posent les questions suivantes:
L'enfant est-il prêt à apprendre tout sur la mort ?
Si nous lui en disons trop, est-ce qu'il aura des difficultés à résoudre son deuil ?
Deviendra-t-il angoissé, ou obsédé par la mort ?
À quel âge les enfants sont-ils intellectuellement et émotionnellement prêts à comprendre ce qu'est la mort ?
Ce serait seulement vers l'âge de 9 ou 10 ans qu'ils comprendraient le caractère universel, permanent et irréversible de la mort.

Maintenaant, quelles réponses propose-t-on à ce questionnement des parents ? Les voici:
Lui dire la vérité sans aller au-delà de ce qu'il demande.
Lui retourner la question: "Et toi, qu'est-ce que tu en penses ?
Lui suggérer, devant son chagrin, de se rappeler des moments positifs qu'il a vécus avec le défunt ou la défunte.
Lui suggérer que le chagrin s'estompera avec le temps.
Favoriser l'expression de ses émotions par le dialogue, le dessin, le bricolage, et lui faire comprendre que la vie continue ...

La vie continue, oui ! Mais laquelle ? Seulement la nôtre qui sommes encore de ce monde ? Ces réponses ont du bon, bien sûr, mais elles évitent la seule qui serait la bonne, apte à le consoler de la séparation, et à lui donner définitivement un sens à la vie: La vie de celui ou celle qui nous a quitté continue après la mort. Il ne faut pas avoir peur de le dire, surtout aux enfants. Je trouve donc ces réponses très pauvres et inadéquates. Reconnaissons cependant qu'on ne peut guère aller plus loin si l'on adopte la pensée de certains philosophes modernes (1) qui affirment, devant la constatation de la peur de la mort, en gros, ceci:
Les croyants n'ayant pas le courage d'accepter leur finitude, ont inventé Dieu pour se consoler.
La croyance en Dieu répond tout simplement au désir naturel de survivre après la mort, aussi bien qu'à celui d'être protégé et aimé. Mais le Dieu qu'ils inventent est tout simplement trop beau pour être vrai. Il est d'ailleurs contredit par l'omniprésence du mal en ce monde.

Cette philosophie n'aide certainement pas les adultes, et spécialement les parents, à répondre adéquatement aux enfants. Si ce désir naturel de survivre à la mort est inscrit en nous, êtres intelligents et conscients, ce n'est pas pour rien. Il est là pour être comblé. Cherchez à l'évacuer, avec "le courage de voir la vérité en face" n'est pas pour pacifier, ni les enfants, ni les adultes, philosophes ou pas.

En fait, on peut constater que l'enfant a moins peur de la mort que l'adulte. Il ne croit pas vraiment à une mort définitive, totale. Il n'a pas tellement de difficultés à croire que grand-père, grand-mère, ou ses proches défunts sont encore vivants. Ses questions puériles se prêtent aussi à des réponses puériles, mais dans le fond, ce qu'il sait confusément, sans l'avoir jamais appris, c'est que la vie, la vraie, ne meurt pas ! Toutes les Traditions spirituelles, avec leurs textes sacrés, pointent dans cette direction. En grandissant, l'enfant se rationalise, et ce savoir inné risque de s'étioler et disparaître. Alors l'esprit humain est malade. Il ne reconnaît plus que ce qu'il y avait dans son coeur, était là pour donner un sens à sa vie, le nourrir, le réjouir, et l'encourager à lutter contre le mal et la souffrance. On veut trouver des preuves rationnelles. Il n'y en a pas ! Soyons un peu moins philosophe et plus enfant. Ne nous apprennent-ils pas à redevenir comme eux ?

(1) André Comte-Sponville.

mardi 10 avril 2007

Un monde de signes

On m'écrit: "Si Dieu existe, pourquoi permet-il de douter de lui ? Ça lui serait facile de nous prouver son existence. Tout le monde croirait en lui, puis en la vie éternelle ..."

Je me souviens avoir déjà entendu dire, non pas sans humour: "Est-ce possible qu'en lançant en l'air, en désordre, un paquet de lettres de l'alphabet, ces mêmes lettres forment par hasard, en retombant sur le sol, une belle oeuvre littéraire, semblable à celle de Victor Hugo, ou autre de nos grands écrivains ?" Le hasard fait quelquefois bien les choses, mais tout de même !

Cette "belle oeuvre littéraire", nous la voyons tous les jours en contemplant la nature, l'univers, et le monde des hommes. D'aucuns trouveront cet exemple un peu simplet. Sont-ils trop savants ou pas assez enfants ? Pourquoi aurais-je à considérer l'oeuvre de la création, telle que nous la voyons, comme un donné qui va de soi, un produit du hasard ? je contemple l'univers, j'en suis ravi, et j'ai encore besoin que Dieu me prouve son existence ! Suis-je aveugle ? (1)

Il est vrai que ce monde n'est pas parfait; et nous en souffrons. J'ai déjà parlé de cela: ce monde n'est pas celui que Dieu veut, mais il est tel que les hommes l'ont rendu (2). Remarquons maintenant, que ce monde est un monde de signes. Un signe révèle quelque chose d'invisible, caché par derrière (3) Si je veux qu'on voie que je suis membre du parti A, je porterai son signe, son insigne. Un signe révèle quelque chose d'invisible mais, en même temps, il le cache, il ne montre pas la chose elle-même; il nous oriente vers elle. Un beau sourire à mon égard, me manifeste une bienveillance, un quelque chose de sympathique. Mais quoi au juste ? un amour ? une bonne intention ? et si c'était un sourire intéressé ? commercial ? Le signe m'invite à aller au-delà et à réfléchir. Dieu nous fait de nombreux signes, c'est sa façon de nous dire qu'il existe. Au point que, une fois que j'ai perçu le message, son évidence me crève les yeux ! Chacun de nous, aussi, sommes des signes. Mais nous voulons autre choses: des miracles ! On peut attendre longtemps... À moins que nous prenions le mot miracle dans son sens étymologique: ce qui étonne ! Dans ce sens, une belle fleur me fascine, elle est un miracle.

Les signes de la création se rapportent aussi à un Invisible. L'être humain est situé entre deux mondes: le visible bien connu, et l'Invisible inaccessible directement par nos sens. Le signe manifeste donc, d'une façon sensible, qu'il y a quelque chose de caché derrière, une présence active. Sans elle, le signe ne serait pas. Parmi les êtres vivants, l'être humain, intelligent et conscient, est le seul à percevoir les signes, à pouvoir les comprendre. Dans ce monde, je ne peux "voir Dieu" qu'à travers des signes. Pour voir Dieu, dit l'Écriture, il faut mourir. L'être humain n'est pas condamné à vivre éternellement dans un monde de signes. Le signe ne durera pas. Il fait partie de ce monde du temps et de l'espace Le signe passera avec ce monde. Tandis que le signifié, caché derrière, ne passe pas. C'est le Réel. Ici, Réel, n'est pas synonyme de palpable, de concret, mais plutôt de Source invisible, éternelle. au-delà des signes. Nous l'avons déjà vu: si la beauté de la rose (signe) passe, la Beauté demeure !

(1) Cf. Romains 1, 19
(2) Sujet traité par le philosophe et théologien, Frédéric Marlière. Il m'a souvent inspiré dans ce blogue. Cf. sa trilogie donnée en note, sur ce site, au 13 août 07
(3) Nous n'entrons pas ici dans les distinctions subtiles; les différences entre signe, symboles, allégories, etc.

dimanche 8 avril 2007

Vers quoi mène ce monde de l'histoire

Notre vie est tissée d'une suite d'événements. Comme nous sommes doués d'intelligence, nous n'aimons pas ce qui est absurde, nous cherchons donc à voir un sens à la vie. L'histoire de ce monde a été construite par nos ancêtres. Nous la continuons, et nous ignorons celle de nos descendants. Nous avons conscience d'une solidarité dans la construction de l'ensemble où nous avons chacun notre pierre à poser.

Quand on regarde le résultat final de la construction jusqu'à ce jour, on voit certes de belles choses. Mais, hélas ! Combien d'autres sont misérables et font souffrir l'humanité. Reste un gros point d'interrogation quant à l'avenir !

D'un point de vue chrétien, ce monde s'oppose au "Royaume des Cieux" pour lequel nous sommes faits, et vers lequel nous marchons. À notre mort physiologique, nous quitterons ce monde spatio-temporel, celui de l'histoire où nous sommes tous marqués par l'âge, et nous serons placés devant le mystère de la "vie éternelle", où nous aurons "le bonheur d'avoir tous le même âge" (1).

Ce monde (et son histoire), est tel que les hommes l'ont fait, et continuent de le faire. Le Christ semble bien ne pas l'approuver. Il dit qu'il est mené par une puissance adverse: "Le Prince de ce monde". Ce qui ne veut pas dire que Dieu déserte ce monde, puisqu'il lui donne l'être et la vie. Ami des hommes, il s'y est même incarné en la personne de son Fils. Mais on voit qu'il y a été persécuté, pour finalement mourir sur une croix, comme un voleur.

Scandale pour beaucoup: Dieu tout-puissant, mourir faible et persécuté ! Est-ce possible ? C'est qu'il a voulu passer par là: "Ma vie, on ne la prend pas. Je la donne !" Étant le Dieu Amour, il a voulu le prouver de la façon la plus authentique: "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime..." Mais, la liturgie chrétienne proclame, en ce jour de Pâques 2007: "Christ est ressuscité !" Il se retrouve là où nous sommes tous appelés. Le doute peut être là. D'ailleurs, au matin de Pâques, cette vérité de foi, apparaît comme une question: le tombeau du Christ est trouvé vide ... Qu'en penser ? Qui l'a volé ? C'est un peu la question de celle qui, la première se rend au tombeau, Marie Madeleine: "On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a mis" (2) Il se montrera plus tard aux croyants, à ceux qui l'ont accompagné et qui, d'abord, ne pouvaient croire.

Ce monde est donc, d'une certaine façon, l'envers du Royaume des Cieux. Ce qui explique qu'on n'y est pas toujours comme un poisson dans l'eau. Bien sûr, il nous est demandé de réagir aux situations de souffrances, de travailler à les atténuer, si on ne peut pas les supprimer. Mais, tant que ce monde sera ce qu'il est, probablement qu'il sera toujours un monde d'épreuves.

(1) Cf. sur ce blogue au 25 mars 07
(2) Cf. Évangile de St. Jean 20, 1-9

mardi 3 avril 2007

Des "insignifiants" méritent-ils la vie éternelle ?

Un ami, lecteur de mon blogue, me fait cette objection: "Il y a de grosses têtes, comme l'abbé Pierre, qui méritent la vie éternelle; mais des gens insignifiants, pourquoi leur donner ce qu'ils ne demandent même pas ?"

La vie éternelle, dans la tradition chrétienne, n'est pas d'abord une récompense pour nos bonnes actions en ce monde. Le Christ en croix a promis à un bandit d'être au paradis avec lui ! (1) La vie éternelle n'est donc pas un dû, en échange d'une vie méritoire; bien qu'on ait souvent entendu dire, au sujet d'un défunt qui a trimé fort: "Ah ! il a bien mérité son Ciel !". Cependant, mérite et Ciel ne sont pas sans relation dans l'évangile: "Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître..." (2)

Entre Dieu et nous, pas de commerce. Nous pouvons même être choqués par sa conception de la justice, qui ne ressemble pas tellement à la nôtre. On voit, dans la parabole des ouvriers de la dernière heure, qu'ils sont payés autant que ceux qui ont travaillé trois fois plus. Le maître répond à ceux qui s'en étonnent: "C'est le salaire que j'avais convenu avec vous ... Faut-il que vous soyez jaloux, parce que je suis bon ..." (3). Tant mieux si, à la fin de notre vie, nous pouvons offrir à Dieu, plein de belles réalisations. Mais ce n'est que l'offrande de ce qu'il nous a donné de faire, et que nous avons accepté.

Les vedettes, "comme l'abbé Pierre", sont sans doute plutôt rares dans le "Ciel". Ceux ou celles qu'on a officiellement déclarés saints aussi. Ce sont ceux qu'on envoie se montrer au balcon. Mais, heureusement, le "Royaume de Dieu" n'est pas peuplé que de vedettes. Le Christ a déjà dit: "Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures". Oui, il y a des demeures pour toutes sortes de personnes, y compris des prostituées (4), des voleurs (1), etc. Mais tout ont ceci en commun: conscients de leurs faiblesses, ils ont reconnu et accueilli l'amour gratuit de Dieu.

Autre interrogation: "Je ne comprends pas pourquoi nous aurions une autre vie, différente de la nôtre. Elle ne peut être plus belle que celle que nous vivons. En enlevant, bien sûr, maladies, guerres ..."
C'est vrai "qu'on ne demande même pas" ce bonheur éternel que Dieu nous offre dans les textes sacrés. On se contenterait d'une autre vie, à taille humaine, comme celle que nous avons ici-bas, sans souffrance et sans la mort. Mais voilà, on nous offre beaucoup mieux ! Dieu veut nous faire "participant de sa vie divine" (5). Vais-je refuser un cadeau plus beau que celui désiré ?

On me dit encore: "Je crois comprendre que beaucoup de 'bandits' ou tout simplement les 'mauvais', ceux qui ont plaisir à faire le mal, vont quand même vers une vie éternelle, (enfin, d'après tes écrits). S'ils sont récupérables, d'accord ! Mais s'ils ne le sont pas ?"

Je me suis mal exprimé, pour être compris ainsi ! C'est l'occasion d'y apporter des corrections. La vie éternelle, dans le "Royaume des Cieux", où "tout ensemble ne fait qu'un !" (6) ne peut pas intégrer la haine, la discorde, l'égoisme, l'orgueil, etc., tout ce qui engendre la souffrance. Sinon, on y retrouverait ce que nous avons dans ce monde. Donc, "ceux qui ont plaisir à faire le mal", s'ils héritent de la vie éternelle, c'est qu'ils ont changé leur coeur, c'est-à-dire qu'ils sont "récupérables". Mais que pouvons-nous dire ici ? Dieu seul connaît le coeur des hommes, et il nous recommande de ne pas juger !

Encore une fois, je ne peux que conseiller de lire la parabole de l'enfant prodigue. je la reproduis en note ci-dessous. Le père du "fils prodigue" reflète le coeur de Dieu. Tandis que le fils aîné, resté fidèle à son père, reflète notre coeur avec nos façons étroites de voir la justice. Le fils prodigue, lui, reflète aussi toute l'humanité blessée qui, après s'être coupée de Dieu, revient vers lui (7).

La question suivante, difficile, délicate, fera l'objet d'un autre message de ce blogue. Elle m'est formulée comme ceci: "Enfant, on m'apprenait l'existence du paradis, de l'enfer, du purgatoire. Comment vois-tu cette vie en enfer qui, elle non plus ne peut être éternelle ?" On a beaucoup parlé, et souvent mal compris et ridiculisé ce sujet. Il me semble qu'il est important de bien digérer d'abord ce que nous avons vu aujourd'hui.

(1) Cf. épisode du bon larron: Luc 23, 39-43
(2) Cf. parable des talents: Matthieu 25, 14-30
(3) Cf. Parabole des ouvriers envoyés à la vigne: Matthieu 20, 1-16
(4) Cf. Jésus dit aux pharisiens de mauvaise foi: "Les prostituées vous devanceront dans le Royaume ses Cieux" (?)
(5) Cf. Épitre de Saint Pierre (?)
(6) Cf. Psaume 121 (122), 3

(7) Parabole de l'enfant prodique ou du fils retrouvé. (Luc 15, 11-32)
Jésus dit: Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père: "Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son avoir. Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre. Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l'indigence. Il alla se mettre au service d'un des citoyens de ce pays qui l'envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même, il se dit: "Combien d'ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! je vais aller vers mon père et je lui dirai: 'Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers'. Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçu et fut pris de pitié: il courut se jeter à son cou, et le couvrit de baisers. Le fils lui dit: 'Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils...' Mais, le père dit à ses serviteurs: 'Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé. et ils se mirent à festoyer.

Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c'était. Celui-ci lui dit: 'C'est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu'il l'a vu revenir en bonne santé'. Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l'en prier; mais il répliqua à son père: voilà tant d'années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres; et, à moi, tu n'a jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui ! Alors, le père lui dit: ' Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait festoyer et se réjouir, parque ton frère que voici était mort et il est vivant; il était perdu et il est retrouvé. "