samedi 30 juin 2007

L'Homme céleste

Ce titre est des plus sérieux. Qu'on ne pense pas que je parle de "l'Homme céleste", comme on a déjà parlé des "petits hommes verts" venant de la planète Mars !

Quel est cet Homme céleste ? D'où vient cette expression ?
"Le premier homme, issu du sol, est terrestre; le second homme, lui, vient du Ciel" (1). Voilà ce qu'écrit Saint Paul. Si on n'est pas habitué à fréquenter l'Écriture, il faut dire que ces expressions ne sont pas évidentes. Mais laissons-nous éclairer progressivement, en acceptant que notre compréhension de demain, nous aidera à approfondir celle d'aujourd'hui. L'homme céleste, c'est celui qui vient du Ciel, le Christ. Pas besoin d'être théologien pour sortir une telle lapalissade !

Mais comment peut-on parler ainsi, si l'on n'admet pas que, dans son existence céleste, c'est-à-dire sa préexistence, selon notre façon de parler, le Christ était déjà, d'une certaine façon, un homme. Saint Paul l'appelle le "second Homme", par rapport au premier, Adam, issu du sol.

Si on en tire la conclusion, on peut dire que Dieu, le Père, engendre éternellement son Fils, non seulement comme devant s'incarner un jour de la Vierge Marie, mais déjà, comme Fils fait chair. C'est-à-dire qu'il est déjà, ontologiquement, cet Homme qui apparaîtra dans le temps. Cela peut paraître audacieux. Je n'oserais pas l'affirmer si des théologiens ne me l'avaient soufflé ! (2) Le Christ est la Présence divine créatrice:"En lui, nous avons le vie, le mouvement, et l'être" (3). Par son humanité ontologique, celle qu'il a déjà avant de naître en ce monde, il fonde l'être du monde jusqu'à la fin des temps et pour l'éternité.

Voilà qui est l'homme céleste, qui vient du Ciel. L'essentiel du message me semble être ceci: il n'est pas Homme seulement parce qu'il s'est incarné un jour, il y a 2000 ans, de la Vierge Marie, mais il l'est éternellement. Il n'est pas Homme seulement parce que l'humanité est déchue, et que, pour la racheter, il a dû s'incarner mais, rédemption ou pas, il est éternellement l'Homme céleste, à la fois Créateur, et sommet de la création.

Voilà ce que j'ai cru comprendre de ceux qui se sont penchés sur la question. Cela peut paraître compliqué, mais qu'on ne s'inquiète pas, la création va fonctionner de la même façon, même si on ne comprend pas grand-chose ! Si un spécialiste tombe par hasard sur ce message, qu'il pardonne ma simplification. Mais ai-je réussi à simplifier ?

(1) Cf. 1 Cor. 15, 47
(2) Cf. L. Bouyer, dans "Le Fils éternel" (Cité par Fréderic Marlière)
(3) Cf. Actes 17, 28

mardi 26 juin 2007

Eden

"Quel âge avaient Adam et Éve au début de leur vie terrestre ?". Voilà la drôle de question qu'on me pose, pensant peut-être que j'ai accès à ce monde mystérieux de nos origines ! Pas facile de consulter les documents de l'époque ! Et puis, très indiscret de demander à Ève son âge !

Mais cette curiosité va me donner l'heureuse occasion de parler de l'Éden. Je n'ose pas trop aborder un tel sujet, de peur de paraître traiter d'un monde imaginaire, au gré de mes fantaisies, sans fondement sur quelque chose de sérieux. Et c'est pourtant très sérieux, malgré toutes les blagues et balivernes qu'on a pu dire dans ce domaine. Il faut dire qu'il s'y prête, étant donné que nous sommes tellement coupés de ce monde métaphysique et des réalités de la révélation. Alors on banalise.

Dans cet Éden, qu'on a aussi appelé "Paradis terrestre", imaginé si beau, tant de choses importantes s'y sont passées. D'après mes sources, plusieurs fois citées précédemment, (1) l'Éden ne se situe pas sur la terre. Il est totalement en dehors du temps des hommes. C'est donc une erreur de l'appeler Paradis "terrestre". Ce "lieu" où nous situons Adam et Ève, n'est donc pas vraiment un lieu, mais comment dire ?

Remontons à nos origines. Elles sont ontologiques, c'est-à-dire au niveau de l'Être, hors du temps et de l'espace. Il s'agit d'une Réalité impossible à concevoir, mais plus réelle que le réel de notre monde physique accessible à nos sens. Donc il n'est pas question de donner un âge à Adam et Ève, puisqu'on ne compte les ans que dans le temps.

L'origine de l'être humain ne se situe pas dans l'histoire, à un début du temps. Tout ce que nous connaissons de l'histoire des hommes, et tout ce que la science peut nous en dire, nous renseigne sur le cheminement de l'humanité dans son exil, car nous vivons en ce monde sur une terre d'exil, nous dit l'Écriture. Et cette histoire commence après ce que la bible appelle la "chute". C'est ce moment intemporel où le plan de Dieu a comme basculé, par un mauvais choix mystérieux d'Adam et Ève, pour nous donner ce monde que nous connaissons, qui n'est pas celui que Dieu voulait. On peut même dire qu'il n'est pas celui qu'il a créé, même s'il le soutient dans l'être. Le Créateur ne pouvait pas, à l'origine, vouloir ce monde de mal, de mort et de souffrance, indigne de lui; puisqu'il veut l'homme à son image et ressemblance.

Voilà pourquoi, tous les essais qu'on a pu faire, et qu'on fait encore, pour établir un concordisme entre les données de la science (surtout la paléontologie, l'étude des êtres vivants fondé sur l'observation des squelettes et des fossiles) et ce que nous révèle l'Écriture Sainte n'a pas grand sens. Puisque la science ne s'occupe que de ce monde de l'histoire et de la préhistoire, mais dans le temps. Les théologiens, crédibles à mes yeux, disent qu'il s'agit de faux problèmes. Le problème de notre origine et de l'Éden est d'un autre ordre que celui du déroulement de l'histoire des hommes. Au plan ontologique, nous sommes sur un plan vertical, un perpétuel présent, tandis que celui de l'histoire est sur le plan horizontal du temps, année après année.

Donc, en réponse à la question du début, Adam et Éve n'avaient pas d'âge. puisque l'âge ne s'obtient que par l'écoulement du temps. Selon moi, ils étaient un peu comme nous pensons que nous serons après notre vie terrestre, dans un au-delà que nous ne pouvons imaginer. On parle quelquefois d'un "temps de Dieu", différent du nôtre, c'est une façon commode de sauter d'un registre à un autre. C'est bien ce que nous laisse entendre le psaume: "Car mille ans sont à tes yeux comme un jour" (2). Ce que redira la deuxième épître de Saint Pierre (3).

Tout ceci est à étudier dans les premiers chapitres de la Genèse, avec l'aide des théologiens philosophes. Ce que j'ai essayé de faire. Il n'est pas facile de sortir de nos catégories humaines, même si elles sont faites pour notre temps d'exil, c'est-à-dire d'un usage provisoire.

(1) Cf note 1 du texte du 13 août 06.
(2) Psaume 90 (89), 4
(3) 2 Pierre 3, 8


vendredi 22 juin 2007

Tuer le temps

Tuer le temps ? Oui, comme un ennemi, quand il devient pesant, trop long. L'ennui est un ennemi redoutable quand on devient inocupé. Comment le combattre ? Je me souviens d'un ami qui me disait aller à la chasse pour tuer le temps. Peut-être qu'en effet, il tuait plus le temps que le gibier ! Et pourquoi vouloir tuer ce qui est pourtant si précieux ? On a tellement de choses à faire et on a si peu de temps !

Mais que toutes ces "choses à faire" viennent à disparaître, comme c'est le cas pendant la retraite après une vie bien occupée, pendant les vacances par temps de pluie, pendant la solitude du grand âge, et dans bien d'autres circonstances, où le temps peut ne plus être un allié. On cherchera alors un moyen de le voir passer plus vite, un divertissement, souvent synonyme de passe-temps; ou bien une rencontre amicale. Ennui et solitude vont souvent de pair.

Comment échapper au poids du temps et de la solitude ? Le divertissement est souvent la solution adoptée. Mais il me semble que ce n'est pas la meilleure, ou du moins pas la seule. Les divertissements ont leur valeur en soi, même si on a bien d'autres choses à faire. On fait des mots croisés pour faire travailler son esprit, on écoute de la musique parce qu'elle nous élève ou nous rend joyeux, on fait des jeux de société pour entretenir des relations, on lit pour se cultiver, etc.

Dans le cas de l'ennui, et plus encore de l'ennui dans la solitude, bien que le divertissement puisse nous aider, je dois aussi trouver une autre solution, un moyen plus fondamental, qui m'aide à faire de mon ennui et de ma solitude, une occasion favorable de m'accrocher à la Réalité essentielle. Mes occupations et mon activisme m'empêchent trop souvent de l'atteindre. Je finis donc par l'ignorer complétement, et par vivre comme si elle n'existait pas. J'ai donc à apprendre à me tenir un peu comme hors du temps.

Est-ce possible ? Pas complétement ! Car il faut vivre, bien sûr, selon notre condition humaine sur cette terre. Mais d'une certaine façon, oui ! C'est possible en ne luttant pas contre le temps. je ne suis pas dans une course. Je dois m'efforcer d'y découvrir la dimension verticale qui l'habite. En le vivant comme si nous étions déjà hors de lui; en assumant la souffrance présente, celle de l'ennui et de la solitude, avec l'émotion qui l'accompagne, sachant qu'elle passera. Vivre tout cela, non pas comme une anomalie, mais comme quelque chose qui fait son chemin, tout comme les nuages dans le ciel.

Cela est vrai aussi, non seulement en assumant une émotion douloureuse, mais encore celle qui accompagne une circonstance heureuse, sans attente, sans trop vouloir me l'approprier ou la conserver, car elle aussi, comme le nuage, passera.

Mais dans tout apprentissage la théorie ne suffit pas. Il faut pratiquer ! Ces moments difficiles d'ennui dans la solitude, doivent être pour moi des occasions d'avancement 'vers la Vérité', celle qui, hors du temps et de l'espace, demeure éternellement, et coupe verticalement notre vie dans notre temps et notre lieu.

Heureux ennui ! Heureuse solitude ! Jusqu'au jour peut-être où je pourrai dire avec Saint Augustin: "Bienheureuse solitude, seule béatitude" !

samedi 16 juin 2007

Réalités invisibles

"L'essentiel est invisible" disait Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944). Il pressentait que les êtres visibles et palpables de ce monde physique dans lequel nous vivons ne sont que la manifestation éphémère, dans l'espace et le temps, d'une Réalité fondamentale invisible, illimitée et éternelle. Pionnier de l'aviation et pilote de guerre, Antoine de Saint-Exupéry a souvent vécu aux frontières de la vie et de la mort; c'est pour cela peut-être qu'il était plus ouvert que d'autres aux réalités invisibles. Les situations dangereuses qu'il vivait le plaçaient dans leur proximité. Serait-ce par là que le risque peut devenir attrayant ? Avoir le goût du risque, pour certains, pourrait être la recherche de cette proximité.

Comment se fait-il que cet essentiel dont il parle soit si difficile d'accès. Il est tout à fait raisonnable, semble-t-il, d'accepter nos limites humaines, et de comprendre que ce qui est incompréhensible ou inaccessible à notre esprit n'est pas pour cela inexistant , insensé ou ridicule. "La couleur n'est pas concevable pour l'aveugle-né; la nie-t-il pour autant ? .... Il ne s'agit pas de faire admettre l'absurde et le contradictoire, mais de ne pas les mettre là où seule est en cause la faiblesse de nos limites humaines" (1)

Ainsi en est-il des réalités invisibles. Elles se situent au-delà de nos catégories mentales et sensibles. "C'est la définition même du Mystère, et c'est pourquoi les théologiens, à l'exemple des Écritures, ne font pratiquement usage que de l'analogie. La prédilection de Jésus pour l'enseignement en paraboles n'a pas d'autres fondements. On peut ramener cette pédagogie à la simple formule: tout se passe 'comme si'; mais nous savons, qu'en stricte réalité, il s'agit d'un 'tout autrement' qui nous échappe". (1)

Ce monde invisible, s'il nous est inaccessible par nos catégories humaines, nous reste cependant ouvert ici-bas. Nous pouvons, sinon le comprendre, du moins y pénétrer par la foi, en nous libérant des turbulences de notre monde, dans le silence et le recueillement.

(1) Frédéric Marlière. Cf. texte sur ce blogue du 13 août 06 (note 1)

mardi 12 juin 2007

Vers la transcendance par nos sens

"Sous les apparences des plus petites choses anciennes et bien connues s'ouvre le mystère de l'éternel inconnu" (1)

Dieu se cache dans les réalités ordinaires, dans ces choses que nous fréquentons depuis longtemps, mais dont nous ne savons pas percer le secret. Nous y sommes trop habitués pour y voir "le mystère de l'éternel inconnu" qui s'y cache sous leurs apparences. Les apparences ne sont pas trompeuses si nous les dépassons. Elles nous invitent à aller plus profond. Comment percer ces apparences et entrer en contact avec la réalité mystérieuse, inconnue, qu'elles manifestent tout en la cachant ?

Je me souviens avoir déjà lu, de ce même auteur, une invitation à faire cette expérience: " Regardez une rose attentivement Au début vous lui parlez. Puis faites silence, continuez à la contempler. Finalement, c'est la rose qui vous parle" La rose livre son secret, sa relation avec le mystère de l'éternel inconnu.

Que de beautés je contemple sans dépasser leurs apparences, sans percer leur mystère. Je n'en vois que l'emballage. Mes cinq sens ont ce pouvoir de m'ouvrir sur " le mystère de l'éternel inconnu", là où se trouve le Réel, éternel et inconditionné. Ainsi la réalité sensible, même éphémère, est précieuse. C'est une porte sur le Réel invisible.

C'est peut-être ce que pressentent ceux et celles qui sont attirés par l'éloquence du silence dans la grande nature, par les arts, la musique, la peinture, et tout ce qui peut potentiellement nous élever vers l'infini. Mais sans toujours y réussir car nous ne sommes pas disposés à cette ouverture sur "le mystère de l'éternel inconnu". Il veut pourtant nous investir.

(1) K. G. Durckheim. Cf. sur ce blogue texte du 1 août 06, "Au-delà de l'absurde".

dimanche 3 juin 2007

1 + 1 + 1 = 1

Je ne suis pas très fort en mathématiques, mais ce n'est pas la raison pour laquelle il faut juger fausse cette équation titre. Elle est mystérieusement exacte, mais pas selon nos façons habituelles de compter. Si vous êtes un peu au courant de ce qui se dit en théologie chrétienne, vous l'avez peut-être deviné ? En effet, trois personnes divines bien distinctes: le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, ne font qu'un seul Dieu.

C'est du moins ce que nous disent les théologiens. Et pourtant, parmi eux, il y a des mathématiciens. Ils ont compris qu'en spiritualité, on est sur un registre différent. On ne compte pas de la même façon. Nous sortons de l'univers sensible du temps et de l'espace pour entrer dans l'univers divin, celui du Royaume de Dieu, hors temps et espace. Ces deux univers ne sont pas séparés. L'un inclut l'autre. Notre univers humain n'existerait pas sans le premier. Mais dans le monde divin, dans lequel nous sommes appelés à vivre éternellement, la comptabilité n'existe plus. C'est le monde de l'unité et de la gratuité parfaites, encore incompréhensible pour nous. Donc c'est bien ça: 1 + 1 + 1 = 1. Niveau de math trop élevé pour les néophytes que nous sommes. Saint Jean nous rapporte ces paroles du Christ: "J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter. Quand viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière" (1)

Même l'ordinateur ne peut pas résoudre l'énigme. Car la pluralité du monde de Dieu n'est pas numérique ou arithmétique. C'est une unité-multiple, ou rien n'est comptabilisable; elle exclut toute opération mathématique. On la appelée "générique". Vous ne comprenez pas ? Moi non plus ! Ne nous inquiétons pas, cela relève du Mystère et reste, non pas insensé, mais inconcevable. Cependant, si nous éprouvons le besoin de l'approfondir un peu plus, nous pouvons nous référer aux écrits de Frédéric Marlière, théologien que j'ai déjà signalé. (2)

De cette unité primordiale, que nous aimerions retrouver, mais que nous ne savons pas refaire, nous en avons tous la nostalgie. En ce jour où nous fêtons la fête de la Sainte Trinité, j'ai cru bon d'évoquer cette bizarrerie divine: un seul Dieu est à la fois, Père, Fils et Saint-Esprit. Trois personnes bien distinctes. Certains penseront: qu'est-ce que ça peut bien nous faire ? En quoi ce genre de calcul nous intéresse-t-il ? Il s'agit d'un "secret" qui nous a été révélé. Il doit bien y avoir un avantage à le connaître ! Les secrets se révèlent aux amis. "Je ne vous appellerai plus serviteurs, mais amis" dit Jésus aux siens, après avoir dit: "Mon père et moi nous sommes un" (3). Élisabeth de la Trinité, cette mystique du Carmel, écrivait: "La Trinité, voilà notre chez nous, la maison paternelle d'où nous ne devons jamais sortir". Car en effet, "c'est avec les fils des hommes que Dieu trouve ses délices" (4). Et vice versa.

(1) Jean 16, 12-13
(2) Cf. sur ce blogue, note 1 du texte du 13 août 06; et texte du 14 octobre 06
(3) Jean 10, 30
(4) Proverbes 8, 31