dimanche 25 janvier 2009

Une étoile

"Il y a une étoile dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir." (1) Merci, Christian Bobin, de nous parler de cette étoile !

Pas toujours facile de déchiffrer les images poétiques, et je ne sais si je vois cette étoile comme l'auteur la voit. Ce qui ne doit pas avoir grande importance, car ailleurs il écrit: "Ce qui est dit n'est jamais entendu tel que c'est dit: une fois que l'on s'est persuadé de cela, on peut aller en paix dans la parole, sans plus aucun souci d'être bien ou mal entendu, sans plus d'autres souci que de tenir sa parole au plus près de sa vie." (2).

Il y a là, j'espère, une pointe d'exagération, bien permise au poète. Il est si agréable, en effet, de sentir qu'on a été enfin compris ! Mais, il arrive qu'on ne le soit pas, alors ... tout cela nous rassure devant la crainte d'être mal compris. D'ailleurs, quelqu'un m'a déjà dit un jour, (3) au sujet d'une réflexion de ce blogue: "J'y trouve, au détail près, des réponses aux questions cachées dans les profondeurs de mon enfance ..." J'ignore ce que cette personne à bien pu y trouver ce jour là. C'est cependant un encouragement à parler, et à tenir nos dires, comme nos écrits ou nos actes, " au plus près de nos vies", et puis ... qu'on aille en paix !

Revenons à l'étoile dans le ciel, et non ternie ! J'y vois la partie de nous-mêmes lumineuse, inaltérable, immortelle. Selon une distinction du langage spirituel, il s'agit sans doute de la "Personne", souvent distinguée, à juste titre, du "Personnage" qui lui est porteur de nos faiblesses humaines, de notre "ego" fermé sur lui-même, et doué pour les chicanes ! Il semble bien qu'il soit difficile, sinon impossible, de trouver l'unité et la paix entre les différents personnages que l'espèce humaine forme sur la terre. Tandis qu'entre les Personnes, tout est possible. Il n'y a plus d'obstacles dans cette pureté lumineuse de l'étoile non ternie.

À notre mort biologique, notre personnage est appelé à disparaître. Bien que déjà, en cette vie, nous pouvons l'éroder. Jusqu'à complète disparition peut-être. Du moins dans la mesure où, conscients des poussières qui le ternissent, nous contribuons à les éliminer. Dieu aidant ! C'est la Personne qui serait l'étoile non ternie. Est-ce là, Monsieur Bobin, ce que vous vouliez dire ? Si, par une heureuse coïncidence, ce texte venait à tomber sous vos yeux, j'aimerais entendre votre réponse ! (4)

Dernière question que je me pose: qu'est-ce que cette distance, "assez éloignée" semble-t-il, qui protège l'étoile de la souillure de nos erreurs ? Serait-ce la distance qui nous sépare de ce que nous serons éternellement ? Même si nous le sommes déjà un peu, car cet astre lumineux, bien protégé haut dans le ciel, est en même temps proche dans le coeur !

(1) Christian Bobin, dans "Ressusciter", Gallimard, 2001, p. 15
(2) Même auteur, dans "L'éloignement du monde", Collect. Entre 4 Yeux; Paris 1993, p. 36

(3) Cf. commentaire anonyme du 24 nov. 2007
(4) Pour s'exprimer cliquer à la fin de chaque message sur "comment" ou par un message personnel à milichamp@sympatico.ca

dimanche 18 janvier 2009

Que faire ?

Quelqu'un m'écrit: "Faire son devoir m'est plus facile que de le connaître"; et il s'attend à mon commentaire. Bien que je ne me sente pas spécialement qualifié pour y répondre, je vais quand même donner ma pensée, espérant ainsi apporter ma petite part de vérité. Pourquoi chercher ailleurs un thème de réflexion ?

J'ai déjà éprouvé, devant un dilemme, cette même difficulté: qu'est-ce que je dois faire ? Et je sais que je ne suis pas le seul. Nous sommes tous confrontés, un jour ou l'autre, à ces problèmes dont on ne voit pas la meilleure solution. Problèmes de relations difficiles, d'argent, d'orientation, de choisir un candidat à une élection, etc. Que faire ? En parler avec d'autres, consulter ? Il y a là une certaine sagesse; deux têtes valent mieux qu'une, dit-on ! Quoique ... Je ne suis pas toujours sûr

À mon avis, je dois d'abord me libérer d'un certain perfectionnisme, stressant et culpabilisant, voulant que j'accomplisse tout sans bavures du premier coup. Après réflexion sérieuse, ne dois-je pas savoir prendre le risque de me tromper, et aller de l'avant ? Agir selon ce qui m'apparaît le mieux ? D'ailleurs, ai-je vraiment une autre alternative ? C'est souvent après coup que je peux estimer avoir fait une erreur. Et encore ! Avant, je n'étais pas capable de mieux voir. Après ? Quelquefois. Subjectivement, je ne me suis pas nécessairement trompé. Les éléments dont je disposais et mes dispositions intérieures (émotions, blessures, fatigue, etc) ne me permettaient pas de faire mieux.

Je pense, d'ailleurs, qu'il y a une intelligence supérieure à la mienne qui, à partir de mes hésitations, ignorances ou erreurs passées, me dispose à entrer dans une orientation étrangère à ma propre vision des choses. Mais une orientation qui endosse mes propres décisions, qui ne fait pas sans moi, qui voit avec moi. Ce qui rappelle ce verset d'un psaume: "Sur le chemin qu'il aura choisi, je lui ferai voir le salut de Dieu". Et les événements s'organisent en fonction de cela. Ainsi, selon le mot de Saint Paul: "Tout sert au bien de ceux qui aiment Dieu".

L'expérience me confirme que notre vie se passe sous un oeil vigilant. Pas un oeil policier et scrutateur, cherchant à nous prendre en défaut. Non ! Mais sous un regard aimant qui voit mieux que nous et à long terme. Évidemment, c'est un élément de foi, mais important ! Quelque chose d' expérimental aussi. Foi qui normalement précède l'expérience, mais peut-être aussi la déclenche. Il est alors plus facile d'accepter l'erreur dans nos décisions, et de croire aux rectifications accomplies par la vie. J'aime bien l'adage: "Dieu écrit droit, avec des lignes courbes ! " Des trajectoires de vie parfaitement droites, cela existe-t-il ? Cette attitude globale de confiance est également source de joie profonde : celle de ne pas se sentir seul. Notre être de relation supporte mal la solitude. Thomas Merton avait titré un de ses livres : "Nul n'est une île".

Il est vrai aussi qu'il faut quelquefois passer par les souffrances de certains dérapages. Ils sont souvent suivis par une suite d'événements guérisseurs, réconfortants. Tout cela développe une plus grande sensibilité pour percevoir nos erreurs sans trop s'en énerver.

J'en conviens donc qu'il peut-être "plus facile de faire son devoir que de le connaître". Mais vouloir le connaître signifie aussi que nous avons le souci de faire ce qui est le mieux. Ce que, en termes religieux, on appelle: Cherchez la volonté de Dieu ! Ce qui n'est pas toujours évident. Même chez un saint, comme Ignace de Loyola. Cette lettre nous montre comment il s'en sort ...

http://www.jesuites.com/ignace/lettre.htm

dimanche 11 janvier 2009

Enraciné dans ma vérité

Je crains d'avoir été trop vague dans ma dernière réflexion, en parlant de "s'enraciner dans sa vérité". Je vais essayer de préciser comment je comprends le sens de l'expression (prise chez un contemplatif) .

S'enraciner : voilà qui donne un sentiment de stabilité et de solidité. Des racines me fixent en profondeur. Pas nécessairement dans un lieu, mais dans mon "être essentiel", comme le disait K.G. Durckheim (1). Donc, me fixer dans la vérité qui est la mienne. Voilà ce qui me permet d'accomplir ce que j'ai à faire en ce monde. C'est ma façon bien personnelle d'aider le monde, et de travailler à sa paix. Façon différente de celle des autres; chacun a la sienne propre. Efficace justement dans la mesure où elle est la mienne.

Mais puis-je savoir, sans m'illusionner, ce qu'est ma vérité ? Dans ma vérité, je devrais me sentir bien . Mais, ne dois-je pas accepter, au départ, de ne pas en connaître les contours précis ? Ils vont se manifester au fur et à mesure que j'avance. Il me faut d'abord vivre ma vérité pour la reconnaître et y prendre de l'assurance. Un peu comme lorsque je pars avec ma voiture, sans savoir de quel côté sont tournées les roues. C'est en démarrant lentement, que j'expérimente l'orientation et, si nécessaire, je corrige.

Il y a aussi la joie globale de faire ce que j'ai à faire. Elle a ses hauts et ses bas, mais je devrais la retrouver sans trop tarder lorsqu'elle m'échappe. À la longue, si je ne retrouve pas ma joie, il me faudra peut-être changer de cap. Me remettre dans mon chenal. Je pense à ces énormes bateaux que je vois passer sur le fleuve Saint Laurent. S'ils sortent du chenal, bien balisé pour eux, ils s'échouent sur les fonds sablonneux. C'est arrivé plus d'une fois ! Finie, la joie de la navigation !

Qu'est-ce que mes balises me demandent pour naviguer en sécurité, et me sentir dans ma vérité ? Une me paraît essentielle : garder le contact avec mon entourage. Rester en relation avec le monde créé de la nature, si riche et guérissant, réconfortant. Mais surtout, en contact avec mes plus proches: femme, enfants, amis, voisins, concitoyens. Ces relations peuvent être simples, mais pas toujours superficielles.

À ce sujet, j'ai pu lire: "Ce sont des relations où l'on ne dissimule pas son intériorité, et où l'on autorise une autre personne à prendre de la place en nous. Cela ne sera possible à cette autre personne que si nous retirons nos masques en nous délestant de notre superficialité et de nos manques de sincérité. A partir de ce moment là nous mettons de côté tout ce que nous nous imposons pour apparaître aux yeux d'autrui acceptables et dignes d'admiration. " (2) Je me permettrai d'ajouter: prendre avec humour ce qui pourrait être pris avec tristesse et agressivité.

Puis, il y a ma relation avec l'Invisible, le monde du divin. Elle n'est pas la moindre, mais peut-être pas la première. Je veux dire que la relation avec mon entourage, rendra possible ou facilitera pour le moins, celle avec l'Invisible qui ne peut guère être unique. Les véritables ermites avouent qu'ils ne peuvent être bien dans leur solitude que s'ils portent le monde dans leur coeur. C'est cela, je crois, ce que signifie s'enraciner dans sa vérité. Mais joué sur un mode personnel.

(1) Cf. précédent message (4 janvier 09)
(2) Richard J. Gilmartin et Persuing Wellnes, Finding Spirituality, Mistic, 1996, p. 27



dimanche 4 janvier 2009

Prendre les armes, ou bien ...

J'ai entendu récemment, à la radio, ces paroles d'Yves Girard (1):
"Je pourrai aider efficacement le monde, à partir du moment où j'aurai le courage de choisir pour moi le plus comblant ... c'est en m'enracinant dans ma vérité, et non en prenant les armes, que je parviendrai à faire cesser toute guerre"

Cette pensée pourrait en faire sursauter plusieurs : trop simple, trop facile; ce n'est pas comme ça qu'on change le monde ! Il est vrai que ces mots devraient être replacés dans leur contexte, être plus nuancés. Mais je les saisis au passage, simplement pour lancer ma réflexion.

Pour atténuer l'apparence d'égoïsme (choisir pour moi le plus comblant), l'auteur nous dit que cela demande du courage. Courage de m'enraciner dans ma vérité, dans ce que je dois être ou devenir. "Deviens ce que tu es" dit le sage. Deviens dans le temps, ce que tu es dans ton dans ton être profond, incréé. Long labeur pour devenir ce pour quoi je suis fait. Donc du courage; c'est l'effort d'une vie; voilà le plus comblant. Serait-ce cela qui aide le monde, et contribue à sa paix ? Oui, et c'est comme cela aussi que se trouve manifestée, sous les apparences de l'ordinaire, la transcendance divine, dans un monde qui lui est bien trop fermé.

Karlfried Graf Durckheim, dont j'ai déjà parlé dans les débuts de ce blogue, disait : "Le sens de la vie humaine n'est rien d'autre que de devenir le témoin du divin dans l'existence". Être ce que je dois être en ce monde = être témoin du divin dans l'existence.

De la bouche d'Yves Girard, le même jour, j'ai encore entendu cette parole étonnante :
"Rien de plus contraire à un amour parfaitement purifié que le désir de changer les autres, ou même de les éclairer".

Mais, à bien y réfléchir, rien d'étonnant ! Non pas que les autres, tout comme moi, n'aient pas besoin de changer ou d'être éclairés, bien sûr. Mais, l'amour vrai ne fait pas bon ménage, avec les scories mêlées à mon désir. L'amour vrai élimine en moi ces impuretés inconscientes, qui me pousse à changer les autres, ou à les éclairer de "ma" lumière. Pourquoi les fourvoyer ?

Les autres ont plutôt besoin, eux comme moi, de quelqu'un qui leur manifeste, sans le dire, mais par sa présence, qu'ils sont des personnes en qui demeure un trésor divin. En eux, comme en moi, il y a un point commun, divin, éternel, incréé, et qui traversera la mort. Je veux dire que la mort ne touche pas. Ce point commun à tous, même à ceux qui nous semblent les plus rebelles à l'esprit, veut se manifester différemment en chacun, dans une diversité infinie, selon un mode personnel.

Voilà, si j'ai bien compris, ce qui remplace les armes. Depuis longtemps déjà on dit "Plus jamais la guerre !" Pour cela, il est temps de choisir ce qui nous comble, en nous enracinant dans notre vérité. Je m'arrête ici, car je sens monter en moi le danger de vouloir changer les autres ou de les éclairer. Dieu m'en garde !

(1) Yves Girard, trappiste. Chaque dimanche, à 7 h. 30, il parle sur les ondes de Radio Ville-Marie