jeudi 24 avril 2008

Route pavée d'inconnu

"Il m'a été si facile d'apprendre à être enfant ! ... Ma route était pavée de mystère et d'inconnu, mais l'innocence avait pris soin de me les présenter toujours comme d'indispensables compagnons d'aventure". (1) Que peuvent donc être ces compagnons d'aventure ?

Pourquoi l'enfant s'accommode-t-il si bien du mystère et de l'inconnu ? Doit-il perdre son innocence pour faire place aux exigences de l'adulte ? De l'adulte qui n'aime pas faire face à l'inconnu, qui veut savoir où il met les pieds et prend plaisir à planifier ? Faut-il faire l'apologie de la naiveté de l'enfant, et reprocher à l'adulte sa prudence, ses calculs et son désir de tout comprendre ? Que veut-on dire dans l'évangile, quand il nous est demandé de devenir comme des petits enfants ? Serait-ce de régresser vers cette naiveté ? Sans doute pas ! Cependant le mystère et l'inconnu ne sont pas toujours, pour nous adultes, des compagnons aussi agréables qu'à l'enfant. N'empêche qu'ils sont quand même nos compagnons d'aventure, et nous devons apprendre à faire route avec eux.

Ma présence en ce monde fait partie de ce mystère. Pourquoi suis-là ? Et tous ceux qui m'entourent ? C'est sans doute en quittant ce monde que je pourrai avoir une claire réponse. En attendant, seule la foi éclaire ma nuit, et c'est déjà beaucoup ! Car l'ignorance de ma destinée, sans l'aide de la lumière d'en haut, est invisible en ce monde. Ces "indipensables compagons d'aventure" de mon enfance, mystère et inconnu, sont encore là. L'innocence n'étant plus la même, je dois apprendre à les apprivoiser, et trouver l'innocence d'adulte qui me convient: accueillir le Mystère comme un don de l'amour gratuit. Et si je venais à avoir quelque mérite, il ne serait, en aucune façon, la cause de mon salut. Mais bien plus la conséquence !

(1) Yves Girard

jeudi 17 avril 2008

Vers quel but ?

Le but de la vie ? La plupart du temps nous pensons à un objectif bien concret: entrer à l'université ... avoir telle profession ... une maison à la campagne ... trouver l'âme soeur et avoir beaucoup d'enfants ... bien jouer du violon ... monter sur un podium pour y recevoir une médaille, etc. Projets très louables, dont certains peuvent nous enthousiasmer au point de devenir notre seul intérêt.

Mais, aussi louables soient-ils, ces buts ne sont pas le but ultime. Une fois réalisés, même si nous en sommes fiers et heureux, ils ne satisfont pas pleinement nos attentes. On va encore chercher une nouvelle cible à atteindre qui s'avérera à son tour incapable de nous combler. Car est inscrit dans notre nature humaine un désir de fond, plus difficile à cerner. Notre véritable finalité est bien au-delà de nos objectifs en ce monde: maison, profession, succès, etc. (1) Ils ont joué leur rôle et nous ont apporté leur part de bonheur. Mais ce ne sont que les premières marches à gravir. Il faut monter plus haut !

Un ami me disait qu'il trouvait plus de plaisir à préparer un voyage que dans le voyage lui-même. C'est révélateur. Le bonheur qu'on en attendait n'est pas totalement au rendez-vous. Non pas que nous sommes dans l'illusion dans nos buts à court terme, mais ces joies partielles peuvent être seulement des images d'une plénitude espérée. Nous sommes en tension vers un but indéfinissable, dans un ailleurs insituable. Ce qui peut paraître bien flou, mais c'est précisément cette lumière filtrée à travers le voile du Mystère qui en fait son attrait et sa grandeur. Se libérer d'une vie sans but véritable, suppose de placer la barre assez haute. "Cherchez les choses d'en haut", dira St. Paul.

Nos objectifs terrestres sont nécessaires. Mais s'ils sont orientés dans la bonne direction, ils sont marqués par cette espérance et lui seront soumis. Un psychiatre célèbre, ayant connu la souffrance des camps de concentration, Victor Frankl, apprenait à ses patients à se guérir de leurs angoisses, par la recherche d'un but élevé qui les aidait à sortir d'eux-mêmes. Ce fut le début de la logothérapie. Plus de détails sur le sujet, en cliquant sur le lien ci-dessous:

http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761558717/Frankl_Victor_E_.html

(1) "Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre coeur est inquiet tant qu'il ne repose pas en Toi" Saint Augustin

jeudi 10 avril 2008

Que restera-t-il ?

Que nous restera-t-il, après la mort, de nos possessions en ce monde ? Rien ! Le dicton populaire le rappelle: "Il ne l'emportera pas avec lui dans sa tombe !". De notre avoir en ce monde, il ne restera rien dans l'autre.

Les biens de ce monde ne sont pas éternels. Et même s'ils l'étaient, la jouissance que nous pourrions en avoir ne dépasserait pas quelques décades. C'est déjà pas mal ! Assez pour s'y attacher. Mais on peut penser que le détachement est beaucoup plus facile quand, à la veille de mourir, ils deviennent inutiles. Que ferions-nous de tout cela dans le "Royaume des Cieux" ? Là, ils n'ont plus cours. Le filtre de la "porte étroite" ne laisse passer que notre être essentiel: la personne spirituelle et indestructible. (1)

Après la mort biologique, libre de tout avoir, la personne spirituelle est invitée à entrer dans le monde d'en haut où elle poursuit sa vie nouvelle en dépendance de sa Source qui lui donne l'être et la préserve du néant. Ce néant qu'on appréhende à la disparition du corps physique. D'après la révélation, la persone conserve aussi, (mais ce n'est pas un avoir !) son réseau de relations établies en cette vie. Et sans doute, s'en ajoutent beaucoup d'autres que je ne saurais préciser. Ainsi, nous sommes en attente du "Royaume des Cieux". En termes religieux, on appelle cela l'espérance. C'est l'entrée dans l'unité parfaite d'une communauté spirituelle "où tout ensemble ne fait qu'un"(2). Unité parfaite de la multitude, unité possible parce qu'alors purifiée de ses scories. Plus d'ego égoïste ! Ni sa suite de conséquences facheuses ! Tout se donne et se reçoit dans une gratuité totale, propre de l'Être divin.

Si dans ce monde de l'avoir et de la non-gratuité, et à cause de cela, nous ne pouvons encore pas vivre cette unité souhaitée, faut-il "se départir de tout ce que nous avons pour qu'il ne reste que ce que nous sommes" ? (3). Si mon avoir en ce monde ne me sert à rien dans le Royaume des Cieux, ici-bas il m'est encore fort utile ! Nous en avons bien conscience, d'où son attrait. Vais-je donc essayer d'en rattraper le plus possible ? Nous sommes en tension entre deux mondes; ce n'est pas toujours très confortable: l'un tire vers le haut, l'autre vers le bas ! Mais, si je comprends bien, je n'ai rien à laisser, ni à dédaigner. Je peux même, d'une certaine façon, jouir de tout. Je veux dire: Je ne peux pas avoir "deux maîtres ... Servir Dieu et l'argent" (4). Saint Paul dira: "Posséder comme ne possédant pas", sans mettre mon coeur dans mon avoir. "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur" (5)

Faire un bon usage des choses, serait-ce donc: "Rechercher d'abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît." (6); "Manger pour vivre et non vivre pour manger"; "Ne rechercher ni richesse ni pauvreté, mais ce qui est nécessaire pour vivre"; "À quoi cela te sert de conquérir le monde, si tu viens à perdre ton âme ?". Et puis, partager: "Si tu vois ton frère dans le besoin ...". Le monde politique prend conscience actuellement que la justice distributive est essentielle au maintien de la paix dans le monde. Partager pour avoir la paix ? Mais c'est encore intéressé ! L'amour pur existe-t-il vraiment ? Fénelon le prétendait, mais avait-il raison ? (7)

(1) La personne spirituelle, par opposition au "personnage" notre être corporel mortel, lié à ce monde, et qui y exerce un rôle auquel il ne doit pas s'identifier.
(2) Psaume 121(122), 3
(3) Selon Y. Girard
(4) Matthieu 6, 24
(5) Matthieu 6,21
(6) Matthieu 6, 32
(7) Fénelon, évêque théologien du XVIII siècle, en controverse avec Bossuet à ce sujet. On se demandait alors si l'amour désintéressé était possible ? Et quel était son rapport avec l'amour de soi qui est à la base de toutes nos inclinations naturelles ?

vendredi 4 avril 2008

Paroles et violence

Avez-vous remarqué aux nouvelles, et partout dans les médias, comment on nous rapporte les résultats d'élections, de sondages, de victoires sportives, etc. ? C'est presque toujours en termes de combat: "Il a subi une défaite cuisante ... mordu la poussière ... remporté une victoire écrasante ... battu à plate couture..." et autres expressions humiliantes pour le perdant. Ce qui l'incite à ruminer une vengeance de même nature. Si l'extérieur exprime l'intérieur, de telles paroles reflètent l'idée qu'on se fait de la collaboration politique et de la compétition sportive. Le sport n'est plus de l'émulation, mais de l'acharnement pour vaincre à tout prix.

Serait-ce qu'on s'ennuie sans guerre, sans victoires ou défaites, sans victimes, sans coups de poing sur la patinoire ? Là, au moins, nous avons le sentiment de vivre. Il y a de l'action ! On considère que la nature humaine doit se défouler d'une façon ou d'une autre. On le fait sur dos de l'adversaire. Pourquoi pas sur un "punching ball" ? On tourne facilement à la dérision le désir d'éradiquer la violence. Après une bagarre entre joueurs de hockey, le journal annonce des punitions sévères. Réactions: "On ne va quand même pas envoyer tous nos garçons à l'épilation, et les inscrire à la nage synchronisée ... Il faudrait éliminer la testostérone ...". Ce qui pourrait expliquer le peu d'efficacité des efforts pour éliminer la violence à la TV, et ailleurs.

Il peut y avoir de saintes colères, mais la violence est enracinée dans notre nature dite "déchue". L'évangile nous dicte comment entretenir un coeur pacifiste. Gandhi aussi; il s'en est inspiré. Le Dalai-Lama, chef spirituel du monde bouddhiste tibétain, dans ce regrettable conflit Chine-Tibet, reproche à ses moines courageux, d'être trop violents envers leurs agresseurs. On peut s'engager en faveur de la non-violence, sans nécessairement aller sur les barricades. Tout en signant des pétitions s'il le faut, n'est-ce pas aussi un bon engagement que de commencer par d'humbles actions persévérantes: pas de violence dans mes gestes, mes paroles, et mes pensées. Ça paraît peu, mais la goutte d'eau dans la mer, versée patiemment, quotidiennement, à long terme n'est pas une si mauvaise solution.

(1) "Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu" Matthieu 5, 9