dimanche 30 septembre 2007

Déterminisme

Une phrase vient de tomber sous mes yeux: "Seuls l'effort courageux et le recours au ciel peuvent avoir raison du déterminisme". Elle fera l'objet de ma réflexion.

Le déterminisme est ce qui nous pousse, nous 'détermine', à être ou à agir de telle façon. Des forces nous influencent: les modes, l'opinion, l'éducation, etc. Nous sommes alors comme happés dans une ligne de conduite, une façon d'être ou de faire, qui n'est peut-être pas celle que nous aurions suivie si nous avions été séparés de ces influences. Le déterminisme est plus ou moins fort. C'est ce qui me faisait dire dernièrement dans ce blogue (1): "Même s'il peut y avoir dans nos choix, un certain pourcentage de déterminisme, il est rarement, peut-être jamais, à 100 %. Cette phrase d'aujourd'hui, sur laquelle je suis porté à réfléchir, me montre comment on peut se libérer de la pression du déterminisme.

Cependant, je me demande si je ne dois pas apporter un bémol en disant que le déterminisme est rarement, ou peut-être jamais, à 100%. Nous venons de vivre ici à Trois-Rivières, un événement douloureux qui a mobilisé les forces de l'ordre et la population, jusqu'ici sans résultat. Il y a deux mois, une petite fille de 9 ans, Cédrika, a été kidnappée. Qu'est-ce qu'elle est devenue ? Si elle est encore en vie, dans quelle mesure sera-t-elle libre de ses actions ? Dans quoi va-t-on la 'déterminer', sans résistance possible ? Malheureusement, son cas n'est pas unique.

Dans des circonstances moins graves, combien de fois ne sommes-nous pas impliqués dans des influences contre lesquelles il faut lutter courageusement et "avoir recours au ciel". Il y a aussi tous les événements heureux qui nous donnent le bon élan, et favorisent notre cheminement sans que nous puissions nous en attribuer le mérite. Le déterminisme est partout présent. Lorsqu'il nous entraîne sur une pente glissante, nous en avons normalement conscience. Nous avons alors un remède: " effort courageux et recours au ciel".

Comme je trouve sage cette phrase de l'évangile: "Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés !" Car en effet, qui peut juger du poids réel du déterminisme ? Qui peut juger du degré de responsabilité qui en découle ? Dans nos sociétés, pour qu'elles fonctionnent bien, nous avons nos codes d'éthique. Selon ces lois, nos actions sont évaluées bonnes ou mauvaises. Il faut bien condamner les mauvaises et les sanctionner. Quant à ceux qui en sont les auteurs, c'est-à-dire les "personnes", laissons juger Celui qui, ayant une vue globale, "sonde les reins et les coeurs".

Est-ce artificiel de distinguer la personne de ces actes ? Je ne le pense pas. Il est vrai qu'on agit selon ce qu'on est, mais la personne doit être sauvée, tandis que les actes, quelquefois, doivent être condamnés.

(1) Cf. "Temps et éternité" au 3 septembre 07

jeudi 20 septembre 2007

On veut des preuves !

Thomas (1) m'écrit: "Pourquoi Dieu ne nous donne-t-il pas la preuve de son existence ? Ce serait si simple pour lui de nous le prouver. Pour moi, c'est une des raisons de mon incroyance ?".

À strictement parler il n'y a pas vraiment de "preuves" de l'existence de Dieu. Du moins, pas comme on en a en physique ou en mathématiques. Une vraie preuve (pas une hypothèse) est incontestable et incontestée. Comme quelqu'un l'a déjà dit: "Si preuve il y avait, une seule suffirait !"

Au niveau rationnel, plutôt que de preuves, il faudrait parler d'arguments en faveur de l'existence de Dieu. Mais la raison a ses limites. Elle est cependant capable d'admettre qu'à un moment donné, il faut faire un saut dans le Mystère. Pas dans le sens négatif de choses qu'on ne peut pas comprendre, mais dans le sens de plénitude, au-delà de toute limite. Car Dieu est le "Tout Autre". Même s'il habite notre quotidien ordinaire, Dieu est au-delà de nos catégories qui ne peuvent rejoindre l'Infini. Il est trop grand ! Ce qui peut nous créer un certain malaise, mais est aussi une invitation continuelle à un dépassement. Dans nos marches, l'horizon visé recule toujours, il n'est jamais atteint.

Cependant, s'il n'y a pas de preuves, heureux sommes-nous quand, à partir de la beauté éphémère et partielle, contemplée dans la création, nous pouvons nous élever jusqu'à la Beauté absolue, éternelle, et y enraciner notre foi. Il faut laisser la place à la foi. Si Dieu nous prouvait qu'il EST, comme on prouve que 2 fois 2 font 4, alors la foi n'existerait plus. On pourrait s'opposer à Dieu peut-être, mais il ne serait plus possible de douter de son existence. Il veut qu'on le reconnaisse et qu'on le choisisse par une décision libre, non par une soumission servile, forcée à coup de miracles époustouflants.

Il peut nous donner des petits coups de pouces, pour nous aider à croire mais pas supprimer, du moins ordinairement, la liberté de choix. Ainsi, à Lourdes, on voit des médecins athées reconnaître l'authenticité de guérisons miraculeuses, mais il reste toujours encore la possibilité de les nier: dans l'état actuel de la science, on ne peut pas les expliquer, mais plus tard ... Et autres argumentations déconcertantes ! Dieu ne redonnera pas une jambe naturelle à un amputé, bien qu'en soi il puisse le faire et on aimerait le voir, mais ce n'est pas dans sa pédagogie.

La foi a besoin de cette interrogation perpétuelle, liée au Mystère. Comme il est dit dans mon précédent texte (2), elle n'est pas une évidence. Ce ne serait plus la foi. À nos interrogations, la révélation nous apportera des débuts de réponses, mais sans évacuer le Mystère. Dieu, en ce monde, est un Dieu caché. Les premiers chapitres du livre de la genèse, dans la bible, nous en donne symboliquement des raisons qu'on aura jamais fini de méditer.

Pour terminer, faut-il pour les amateurs d'arguments (on disait preuves autrefois!) en donner quelques uns ? (3). Ces arguments sont philosophiques et peuvent être fastidieux pour ceux qui n'ont pas le goût de telles démonstrations intellectuelles. En voici un aperçu:

1. Tout ce qui est en mouvement est mû par un autre. Nul ne peut être à la fois actif et passif sous le même rapport. Dieu est le premier moteur. Il est impossible de remonter infiniment la série de ces moteurs auquel le mouvement est communiqué.

2. Tout ce qui est causé est causé par un autre. Nul ne peut se produire soi-même, car pour produire il faut être. Dire qu'un être se cause lui-même, ce serait prétendre qu'il agit avant d'être. Hypothèse absurde !

3. Nous voyons en ce monde des êtres contingents; c'est-à-dire qui auraient pu ne pas exister. Ils portent en eux leur finitude; ils sont condamnés à périr. Or, un être qui ne peut pas exister par lui-même a sa raison d'être dans un autre qui lui, EST éterellement. Par opposition aux êtres contingents, c'est l'ÊTRE nécessaire (Dieu).

4. Il existe des êtres plus ou moins parfaits. Toute créature possède quelque aspect de perfection. Le fait d'exister la met déjà infiniment au-dessus du néant. Quiconque détient une perfection, la reçoit d'un autre. On ne peut remonter ainsi à l'infini. Dieu est l'ÊTRE parfait. Les créatures participent, à des degrès divers, à son infinie perfection.

5. Dieu est l'ordonnateur universel. Les êtres dépourvus de raison agissent en vue d'une fin précise, comme guidés par une Intelligence suprême (mouvement des astres, instinct animal, etc.).

Voilà, en gros, quelques arguments. Il y en d'autres: l'amour, la bonté, le désir d'entraide des humains, aussi imparfaits soient-ils, de qui sont-ils participés ?

(1) Surnommé Thomas, a cause de l'attitude de l'apôtre du même nom qui disait: Je ne crois pas si je ... Cf. évangile de Jean 20, 25
(2) Voir sur ce blogue, au 14 sept. 07.
(3) Tirés des cinq "preuves" de St Thomas d'Aquin. Cf. aussi le "Livre de la Sagesse 13, 1-9

vendredi 14 septembre 2007

La foi ! Une évidence ?

Parler de la foi avec des gens qui pensent l'avoir, ou avec d'autres qui pensent ne pas l'avoir, ou encore l'avoir perdue, est souvent assez difficile. Il y a tellement de façons de comprendre ce qu'elle est. Alors, parle-t-on de la même chose ? Il existe des définitions précises: c'est croire à ceci ou à cela; ou se comporter d'après tel code de conduite. Beaucoup n'arrivent pas à s'y retrouver et en concluent qu'ils n'ont pas la foi, ou n'en sont pas sûrs; ou encore qu'ils ne la veulent pas ! Si on est croyant, on peut trouver étrange qu'un tel bien puisse être rejeté. Qu'est-ce qui peut motiver ce refus ? On pense alors: oui, mais la foi est un don; on l'a, ou on ne l'a pas ! Cette réponse ne me satisfait pas.

Peut-être serait-il plus "clair" de rester ... dans le flou ? Et de donner une définition plus subjective, comme: la foi est une relation vivante avec Dieu, qui influence en mieux mon comportement ... Cette définition pourrait ainsi inclure ceux qui ne se retrouvent pas dans les autres façons de la définir, sans faire référence à telle "vérité à croire"; ou encore tels rites à observer, ou obligations morales. Car la foi n'est pas d'abord une morale. Mais elle implique, bien sûr, des exigences à ce niveau, surtout sur le plan relationnel.

L'évangile nous présente une femme malade depuis douze ans. "Elle avait souffert du fait de nombreux médecins, et avait dépensé tout son avoir sans aucun profit, mais allait plutôt de mal en pis". Mon Dieu, ce n'est pas nouveau ! Elle entend parler de la venue de Jésus, et se dit: "Si, à son passage, j'arrive à toucher la frange de son vêtement, alors je serai guérie ...". Elle se faufile au milieu de la foule, et réussit à toucher sa tunique. Jésus se retourne et dit: "Qui m'a touché ?" Drôle de question, car il était bousculé par la foule. Mais, parmi tous ceux qui le touchaient, il a senti quelqu'un qui le faisait d'une façon spéciale. "Ta foi t'a guérie !" dit-il à la femme (1). De quelle foi s'agit-il ici ? Dans ce cas, elle n'impliquait pas le doute, ni la possibilité d'un échec.

Cependant, peut-on dire que la foi, non plus vue dans un cas ponctuel comme celui-ci, mais comme une relation habituelle avec Dieu tout au long d'une vie, ne peut pas comporter de doute ? Non ! La foi laisse la place au doute. C'est bien ce qui ressort de la vie même des saints. Si elle était une évidence, ce ne serait plus la foi ! Il y a bien une certitude de la foi, mais ce n'est pas celle de l'évidence. C'est celle de la confiance. Comme celle de cette femme qui fut guérie. Dans les moments de doutes, d'hésitation dans les grandes décisions ou les moments difficiles, cette confiance va s'affermir. Faire confiance, malgré tout, à "l'Être et la Vie", et en expérimenter le bien fondé, ne peut que l'affermir.

Certains croyants s'étonnent que des saints puissent douter. Ce n'est pas une faute, mais une épreuve. La célèbre Mère Teresa parle de cette épreuve, dans ces lettres récemment publiées, dont certaines dans le magazine "Time", la semaine dernière. Elle était parfois assaillie par la nuit du doute. Malgré cela, elle a accompli sa mission. Cette nuit, qui éprouve l'intelligence en quête de lumière, c'est-à-dire de compréhension et de certitudes, est très éprouvante. Saint Jean de la Croix, maître spirituel reconnu, la décrit comme une purification de l'intelligence. Nous aussi, nous pouvons nous sentir concernés par cette épreuve du doute, même si nous n'osons pas nous comparer avec ces mystiques de haut vol !

Finalement, la définition simplifiée et subjective, que j'ai proposée ici, ne me paraît pas si mal que ça ! (2) Chacun pourrait ensuite l'étoffer davantage, selon ce qu'il a vécu.

(1) Cf. Marc 5, 25-34 (Guérison de l'hémorroisse)
(2) Si vous n'êtes pas d'accord, vous pouvez me dire pourquoi, à: milichamp@sympatico.ca

samedi 8 septembre 2007

Sans corps ... Faire quoi ?

Un ami m' écrit: "Je ne comprends plus grand-chose au sujet de l'autre vie (éternelle). Nous n'aurons plus le corps que nous avons, ni nos cinq sens". Et il est très étonné que je puisse penser qu'une telle vie soit merveilleuse. Puis il ajoute: "Pour faire quoi ?" Précisons tout de suite, qu'il dit justement: "Sans ce corps que nous avons". Détail important, car nous aurons bien un corps, mais différent. Saint Paul dira: "Un corps spirituel, non psychique". (1)

Que répondre ? Je ne veux surtout rien inventer. Jules Verne, lui, à partir de l'état de la science de son époque pouvait imaginer ce que serait celle de l'avenir. Et il n'a pas trop mal réussi ! Mais ici, il ne s'agit pas d'un roman de science fiction. Il n'y a rien à imaginer savamment.

Tout ce qu'on peut dire sur "l'autre vie" a sa source, non dans notre imagination, mais dans ce qu'on appelle la révélation. C'est-à-dire dans l'écriture sainte. Là, sont consignées les paroles de gens considérés comme inspirés par l'Esprit: les prophètes. Parmi eux, le prophète par excellence, le Christ. Ayant en même temps la nature humaine et la nature divine, il peut faire le pont entre les deux mondes. Ainsi, il soulève un peu le voile de ce qui nous est pas encore accessible. "Un peu" dis-je, parce que nous ne sommes pas encore aptes à en recevoir beaucoup.

Cependant, ces révélations, ne peuvent pas nous être données autrement que par analogies. C'est-à-dire par des comparaisons avec les choses de ce monde dont nous avons l'expérience; le seul moyen pour nous élever vers celles d'en-haut. J'ai déjà comparé notre situation ici-bas, avec celle du foetus dans le sein de sa mère (2) . Comment parler au foetus en route vers ce monde, de ce qui se passe dans son lieu de destination ? Difficile ! Il ne faut pas s'étonner de ne pas comprendre. Ce n'est pas une faiblesse de l'intelligence; notre condition terrestre ne nous le permet pas.

Une autre vie ... pour faire quoi ?" Si on n'admet pas qu'on entre dans le mystère impénétrable du divin, la liste des fausses questions devient interminable; car on reporte dans l'au-delà la manière de connaître d'ici-bas. On est alors naturellement porté à voir l'au-delà comme un double, mais en mieux, de cette vie-ci. D'où nos questions: commment passer une éternité sans un travail spécifique ? Sans la sexualité ? Sans l'étude de choses nouvelles ? Sans divertissements ? etc.

Voir la vie future à l'image de celle-ci, ça ne marche pas ! Au contraire, Apprenons plutôt à vivre ici-bas un peu à la façon de la-haut: louer Dieu, le remercier de nous donner l'être et la vie, de nous permettre de vivre en relation de connaissance et d'amour avec lui et les autres ... etc. Pour nous aider à comprendre, considérons la vie de ceux et celles qu'on appelle des "mystiques". N'entendons pas ce mot au sens péjoratif: ne pas avoir les pieds sur terre .... Au contraire les vrais mystiques étaient très "groundés", et avaient le sens de l'organisation (Mère Teresa), quelquefois même impliqués en politique: Ste Catherine de Sienne, l'Abbé Pierre, etc. Marthe Robin, la stigmatisée, de sa chambre de malade a fondé quantité de foyers de charité, aujourd'hui très actifs.

Mais tout cela, sans la foi, peut paraître ridicule et irréaliste: perdre son temps, tous ensemble, à louer Dieu éternellement ! Et pourtant, à quoi sommes-nous tous appelés ?

(1) Cf. 1 Cor. 15, 44
(2) Cf. sur ce blogue: "Ignorants comme un foetus, au 22 janvier 07

lundi 3 septembre 2007

Temps et Éternité

Je reviens à des choses un peu plus abstraites. Ces deux mots, temps et éternité, semblent opposés, ils sont pourtant très proches l'un de l'autre. Ils ont passionné beaucoup de penseurs et comme nous sommes tous plus ou moins penseurs, ils devraient bien nous passionner, nous aussi !

L'éternité est difficile à cerner parce qu'elle échappe à nos catégories humaines, et à toute mesure numérique: plus d'heures, de mois, d'années. Le temps, lui, nous est beaucoup plus familier. Depuis notre naissance, nous avons appris à jongler avec les données du calendrier et de l'horloge.

On ne mesure pas l'éternité. Où trouverait-on son commencement et sa fin ? J'ai déjà abordé le sujet sur ce blogue. Guidé par Frédéric Marlière, philosophe et théologien, j'ai essayé de montrer que, dans l'éternité, tout existe dans une parfaite unité; une unité telle qu'il n'y a plus de pluralité numérique: 1, 2, 3, 4, etc. La comptabilité y devient impossible. Au plan spirituel, cette éternité se nomme: Royaume des Cieux, Ciel, Jérusalem céleste, etc. Là, il n'y a que de pures relations entre les êtres. Ils ne sont plus concrétisés. Il n'y a plus de "choses". Les livres de F. Marlière en font un exposé détaillé. (1)

Cela nous laisse d'abord perplexes: plus d'objets concrets, plus de comptabilité ! Quelle déception pour les forts en math, nous qui sommes habitués à compter ! Nous comptons tout: les sous, les choses, les hommes, les femmes ... Peut-être que cette déception s'estompera lorsque nous aurons rejoint le monde de l'éternité; car l'intelligence, enfin satisfaite, jouira de la connaissance parfaite !

De toute façon, si cette absence de pluralité numérique et d'objets concrets nous dérange intellectuellement, oublions-la ! Et pensons plutôt à l'unité parfaite qu'elle implique, un peu comme dans une assemblée d'amis intimes. où nous nous sentirions en parfait accord, tous un, sans autre opposition que celle de la seule relation entre nous. C'est-à-dire, Paul n'est pas Pierre, ni Marie.

Que faire de tout cela ? Est-ce seulement un jeu cérébral, bavardage sans fondement ? Je ne le pense pas. Personnellement, cela m'aide à dépasser notre langage de ce monde concret où tout est mesurable et quantifiable. Ce langage, merveilleux et suffisant pour parler des choses du temps, est imparfait pour traiter de l'éternité. À quoi servent ces hypothèses sur l'éternité ? Elles nous aident à saisir quelques bribes de ce qui se passe dans l'autre monde. En attendant de jouir de la plénitude, c'est déjà beaucoup !

On oppose le temps à l'éternité. Mais n'ayons pas une idée négative du temps. Il n'est pas vraiment une illusion, ni une entrave à notre progrès spirituel. Le langage des religions orientales peut laisser croire qu'il faut échapper au temps et nous soustraire aux réalités de ce monde. En réalité les orientaux savent très bien que le temps rythme notre existence; ils expérimentent comme nous qu'il nous fait cheminer vers notre but: l'éternité (Pour eux, la fin du cycle des renaissances). Le temps nous fait prendre conscience de notre devenir. Il nous fait traverser des étapes successives où chacune coexistent avec l'éternité. Car le temps vient de l'éternité. Sans elle, le temps n'existerait pas, disait St. Grégoire de Nysse (2). L'éternité fonde le temps.

Nous disions que le temps n'était pas une entrave au progrès spirituel. Bien au contraire, il permet la transformation, spécialement la nôtre. En mieux ou en pire ! Mais normalement en mieux. Car nous sommes comme programmés pour aller vers le mieux. Mais ce n'est pas automatique. Le choix reste toujours possible: programmation souple qui laisse la place à la liberté et à la responsabilité. Même s'il peut y avoir, dans nos choix, un certain pourcentage de déterminisme, c'est rarement (peut-être jamais ?) à cent pour cent. Mais alors, dans ce cas, nous n'aurions pas à en porter la responsabilité.

Ordinairement donc, nous voulons faire un bon usage du temps, et quand c'est nécessaire, il nous donne la possibilité de réparer des erreurs antérieures. Voilà pourquoi nous n'aimons pas être jugés d'après nos actes passés, mais par ce que nous sommes devenus aujourd'hui. Malheureusement les criminels, après la purgation de leur peine, sont souvent figés dans leur état de délinquant, avec les conséquences que cela comporte. "Les dossiers les plus complets et les plus rigoureusement exacts présentent ceci d'injuste: c'est de conserver un passé à l'état stationnaire, alors que le passé se transforme avec la vie. La bonne façon de tenir un dossier serait donc d'éliminer à mesure qu'on ajoute; ainsi chacun n'aurait plus qu'une fiche à son dossier, qu'un renseignement, celui de la minute présente, le seul d'ailleurs qui vaille". Notre bon sens peut alors suppléer à cette faiblesse.

Quant à l'avenir, nous savons comment le: "Tu ne feras jamais rien de bon !" peut être paralysant pour un jeune mal diagnostiqué par un parent ou un enseignant mésestimant le pouvoir de transformation du temps. Quoique aussi, un tel jugement peut parfois être un stimulant. Pour prouver le contraire !

(1) Cf. Texte de ce blogue au 13 août 2006, note 1
(2) Cf. St. Grégoire de Nysse dans 'Contre Eunomius', liv. 1: "Rien ne peut avoir commune mesure avec la divine et bienheureuse Vie (l'éternité). Car celle-ci n'est pas dans le temps, mais c'est le temps qui vient d'elle"